Le 8 septembre 2023
Avec The Whale, Aronofsky assume de verser dans le grand mélodrame intimiste, aussi émouvant qu’impressionnant, sans être larmoyant ni performatif.
- Réalisateur : Darren Aronofsky
- Acteurs : Samantha Morton, Brendan Fraser, Hong Chau, Sadie Sink, Ty Simpkins
- Genre : Drame, Mélodrame, LGBTQIA+
- Nationalité : Américain
- Distributeur : ARP Sélection
- Editeur vidéo : Originals Factory
- Durée : 1h57mn
- Date télé : 16 septembre 2023 23:20
- Chaîne : Ciné+ Premier
- Date de sortie : 8 mars 2023
- Festival : Festival de Venise 2022
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– Sortie DVD/Blu-ray : 22 juillet 2023
Résumé : Charlie va bientôt mourir seul. Il refuse de se soigner, et va tout faire pour renouer avec sa fille avant de partir, et peut-être trouver son salut.
Critique : Aronofsky, qui adore traiter de distorsions physiques et mentales, se frotte à l’histoire de Charlie, obèse et en fin de vie, que le poids empêche désormais de se mouvoir sans assistance. La logique pour le cinéaste est a priori implacable : l’histoire de cet homme seul, différent, dépendant, lui offre les prérequis parfaits pour développer ses thèmes de prédilection.
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Le personnage de Charlie, qui se sait mourant, permet au cinéaste de réaliser un de ses films les plus accessibles, à la dimension mélodramatique assumée, et aux thèmes et messages plus variés que ce que le premier regard suggère. Celui qui mit en scène les perturbants Requiem for a Dream (2001), Black Swan (2011), ou encore Mother ! (2018) peut diviser, mais deux qualités ressortent toujours de ses films, même les plus contestés. La direction d’acteurs, toujours fine, et la puissance de son univers visuel, toujours singulier et maîtrisé. Sur le premier point, le sans-faute est remarquable. Pour le second, la relative sobriété à laquelle il s’astreint permet au reste de respirer.
Alors, disons-le franchement, et enfonçons une porte grande ouverte depuis longtemps : Brendan Fraser tutoie l’exceptionnel. Le rôle aurait pu l’écraser, nécessitant maquillage et transformation physique, ce qui est toujours un terrain propice à la statuette dorée autant qu’au naufrage malencontreux. Or, il n’est jamais question de naufrage : Fraser sublime le rôle et l’inverse est vrai, le voilà qui vogue vers les récompenses, méritées. La sensibilité dont il fait preuve vous fait monter les larmes ou les arrache, selon la vôtre. Le malaise dans la voix, la détresse et la reconnaissance dans le regard, tout concorde : ce pourrait être le rôle d’une vie.
Fraser est le cœur battant d’un mélodrame aux multiples dimensions. Avec son histoire en apparence simplissime, Aronofsky cache en fait une habile réflexion, un tourment, sur le rapport au religieux, la transmission. Surtout, il dissimule dans un huis clos une merveilleuse histoire d’amour sans jamais la montrer, et une superbe histoire de vie, sans plus la mettre en scène. Il les diffuse simplement dans les dialogues, les habitudes des personnages, ou le décor. The Whale offre comme rarement l’impression au spectateur de connaître son personnage par cœur. À travers lui, il parvient à susciter un rare niveau d’empathie sans confiner à la pitié, jusqu’à l’élévation finale, qui rappelle comme le cinéaste se plaît à cliver.
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The Whale n’est autre que le récit d’un suicide méthodique, d’une mise à mort volontaire. Pour autant, il n’est ni désespéré, ni désabusé. Il décrit la quête d’un père, d’un amant, d’un ex-mari. D’un homme qui veut retrouver sa fille à tout prix, elle qui le maintient en vie alors qu’il la connaît à peine. Et qui aime encore l’homme qui l’a pourtant éloigné d’elle. Tout en nuances, Aronosky ne dresse ni l’éloge ni le procès de son personnage, et nous embarque avec lui dans son voyage vers l’au-delà. La définition de cet au-delà irrigue le film. Si « the whale » (« baleine » en anglais) désigne ce corps obèse, il traduit aussi sa volonté de retrouver le bruit des vagues, et de s’y lover.
Si quelques préparations du scénario sont trop évidentes, elles nous attrapent par la corde sensible, et parviennent à créer des enjeux d’une force extraordinaire : marcher quelques mètres par soi-même, tel un nouveau-né, devient alors pour Charlie une question de vie ou de mort.
La simplicité devient donc un atout aussi puissant qu’inattendu pour un cinéaste qui a peut-être accouché de son film le plus universel.
Thomas Bonicel
Le test DVD
Image :
C’est le format 4/3 qui a été retenu. Cela peut surprendre de prime abord mais s’accommode parfaitement à un film qui n’est pas dévoreur d’espace. En effet, tout se joue en huis clos dans le deux-pièces de Charlie. L’atmosphère est vraiment très tamisée voire résolument sombre parfois.
Son :
La version française, au doublage excellent, n’a pas à pâlir par rapport à la version originale en anglais à privilégier cependant si possible. L’ensemble des dialogues est admirablement restitué : c’est ce qu’on attend d’un long-métrage tourné avec une tension dramatique si intense.
Suppléments :
– Making-of : Les gens sont merveilleux
The Whale n’est pas issu exclusivement de l’imagination et du travail de Darren Aronofsky. C’est, en effet, une adaptation d’une pièce de théâtre de Samuel D. Hunter mise en scène en 2012. Leur intelligence collective a nécessité plus de dix ans pour voir le long-métrage éclore enfin. Le casting a été difficile et Brendan Fraser (récompensé par l’Oscar du Meilleur Acteur en 2023 grâce à The Whale) s’est imposé soudain comme une évidence dans le rôle de Charlie, professeur enthousiaste malgré son obésité morbide : il lui a donné une force émotionnelle immense. Il est question aussi de sa fille qu’il méconnaît mais sur laquelle il ne tarit pas de compliments. Le jeu de Sadie Sink est riche de nuances innombrables selon le réalisateur. Le personnage du jeune missionnaire Thomas est aussi évoqué. Liz, la meilleure amie de Charlie, n’est pas oubliée non plus. Chacun des acteurs a la possibilité offerte de s’exprimer sur le rôle qu’il a endossé. « Le principal défi était d’oublier le lieu unique pour entrer dans la tête des personnages. » (Darren Aronofsky).
- Musique The Whale : Sounds of the sea
L’univers marin parcourant le film est omniprésent dans la musique également. C’est un choix du compositeur Rob Simonsen. Le rythme pouvant varier est parfois très angoissant dans certaines scènes. C’est un orchestre de jeunes de Londres qui interprète avec brio la bande originale.
Éric Françonnet
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