Made in Britain
Le 27 octobre 2013
Préparez-vous à accueillir un film fort en émotions et sans concessions qui vous bousculera jusqu’au tréfonds de votre être.
- Réalisateur : Tim Roth
- Acteurs : Tilda Swinton, Colin Farrell, Ray Winstone, Lara Belmont
- Genre : Drame
- Nationalité : Britannique
- Durée : 1h35mn
- Titre original : The war zone
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans
- Date de sortie : 20 janvier 2000
- Festival : Festival de Cannes 1999
Méfiez-vous des apparences, l’un de vos proches pourrait être un monstre.
L’argument : Pour Tom et ses quinze ans, la zone de guerre se trouve au coeur même de sa famille. Ni pauvre ni riche, apparemment heureuse. Lorsque la famille quitte Londres pour la campagne du Devon, Tom se trouve confronté à la solitude et à l’ennui. Mais rien ne peut le préparer à la découverte du secret qui lie son père, Dad, à sa soeur, Jessie, âgée de dix-huit ans.
© Diaphana Films
Notre avis : The war zone littéralement La zone de guerre, avec ce titre on peut s’attendre à un conflit armé, mais ici, le combat est beaucoup plus subtil car il est invisible de tous, caché au plus profond des personnages. Ce film aurait pu être signé par Ken Loach, un des plus talentueux cinéastes du cinéma social anglais, mais nous sommes en présence d’un tout premier long-métrage et à ce jour, unique, de l’acteur et ici réalisateur Tim Roth.
Après une carrière débutée à 21 ans dans Made in Britain d’Alan Clarke, Tim Roth obtient une reconnaissance mondiale pour son rôle de Mister Orange dans Reservoir Dogs. Mais en 1998, porté par l’envie et poussé par ses enfants, il décide de passer pour la première fois derrière la caméra et d’adapter The war Zone, un roman éponyme d’Alexander Stuart, sorti en 1989. Le romancier y assure l’écriture du scénario. De ce fait, il ne transige pas à la vision de son histoire et garde tout ce qui fit scandale à l’époque : à savoir un sujet malheureusement tabou dans notre société, car inconcevable, l’inceste. « Un sujet que le cinéma traite mal, sous forme de sermon cherchant à exposer une solution qui n’existe pas » [1]
© Diaphana Films
Tim Roth, qui fût lui-même victime d’abus sexuel, puise dans ses souvenirs douloureux, toute la sincérité nécessaire au traitement de cette histoire. The War Zone ne sombre à aucun moment dans le misérabilisme. Le père n’est ni au chômage, ni alcoolique, il est monsieur tout le monde pouvant être votre voisin ou l’un de vos proches. Ray Winstone y incarne un mari et père aimant, si convaincant qu’il est insoupçonnable dans ce rôle de monstre. On retiendra surtout l’interprétation bouleversante d’authenticité de Lara Belmont, dont c’est ici les premiers pas au cinéma, dans celui de la victime : la fille Jessie. Un autre jeune premier fait ses débuts, mais dans un rôle secondaire, l’irlandais Colin Farell.
© Diaphana Films
Cette force de véracité rend le film des plus polémiques. Certains pouvant lui incriminer le fait que le viol de Jessie par son père y soit dévoilé. Cette étiquette de voyeurisme, que l’on pourrait lui opposer, n’en est en fait pas une. Roth prend bien le temps, le soin et l’habileté pour installer cette réalité qui peut-être dérangeante pour le spectateur. La nature humaine fonctionne d’abord avec la volonté de protection : ne pas souffrir. Tout comme la mère, jouée par Tilda Swinton, qui ne semble pas se rendre compte de ce qui se passe sous son toit, le spectateur lambda préférera fermer les yeux et faire comme si de rien n’était. Mais ici, c’est impossible, vous êtes spectateur du viol, des pleurs, de la tétanie et du désarroi de la jeune fille. Une histoire qui ressemble à tant d’autres, où dans la plupart des cas, la victime et le bourreau sont des proches. Comment accepter cette réalité, qui nous renvoie à la nôtre, celle de personnes qui ne veulent pas se mêler des affaires des autres, complice indirect de cette non dénonciation de crime ? ou plus simplement comment supporter cette image de nous ? Voilà, un des débats inconscients qui a sans doute dû agiter la sortie du roman fait de louanges et de controverses, expliquant par la même occasion le refus de se voir octroyer le Grand prix des Witbread Awards alors qu’il lui avait été accordé.
The war zone, violent par ses images sans compromissions, a été interdit en salle aux mineurs de moins de 16 ans. Préparez-vous à accueillir un film fort en émotions et sans concessions qui vous bousculera jusqu’au tréfonds de votre être. Une réussite qui en appelle d’autres, espérons qu’un jour Tim Roth revienne derrière la caméra.
[1] Interview de Tim Roth – Bonus DVD
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Frédéric Mignard 28 octobre 2013
The war zone - la critique du film
Difficile de se remettre de la projection d’une oeuvre d’une telle noirceur. Rien que la scène d’ouverture provoque électrochoc... Superbe critique !
nasurvivor 27 novembre 2014
The war zone - la critique du film
Important de noter que le film est issu du livre écrit par Alexander Stuart, aka @alexanderchow sur twitter (film et livre + que poignants et précieux pour nous tous survivants d’abus).