Détournement mineur
Le 21 juin 2018
En adaptant leur court-métrage éponyme en long-métrage, les réalisateurs Christopher Radcliff et Lauren Wolkstein ont surtout alimenté la dimension crypto-pédophile de la relation amoureuse entre un ado de 14 ans et un trentenaire. Léger malaise.
- Réalisateurs : Christopher Radcliff - Lauren Wolkstein
- Acteurs : Alex Pettyfer, James Freedson-Jackson
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Épicentre Films
- Durée : 1h21mn
- Date de sortie : 11 juillet 2018
L'a vu
Veut le voir
Résumé : A bord de leur voiture, Sam et Nick sillonnent les routes de campagne américaine. Pour certains qu’ils croisent, ils sont deux frères partis camper, pour d’autres, des fugitifs. Durant ce road-trip, de mystérieux évènements surviennent, faisant peu à peu éclater la vérité au grand jour...
Notre avis : Avant ce film, The Strange Ones était un court métrage produit en 2011 et nommé dans de nombreux festivals. C’est très probablement ce succès qui a poussé ses réalisateurs, Lauren Wolkstein et Christopher Radcliff, à s’essayer au format long. Le postulat de leur court-métrage, à savoir les soupçons que peut susciter le simple fait de rencontrer deux inconnus, en particulier lorsque l’un d’eux est un jeune adolescent, se retrouve ainsi être également le point de départ de leur premier long-métrage. Ils ont alors fait le choix d’axer leur scénario sur le point de vue de ce gamin d’une douzaine d’années afin de laisser planer le mystère entourant sa relation avec l’adulte qui l’accompagne. Ce parti pris ne pouvait dès lors pas se limiter à une narration linéaire et les auteurs ont opté pour une déstructuration, multipliant flashbacks et ellipses, basée sur les souvenirs tourmentés de Sam, ce garçon perturbé. Un rôle que le jeune James Freedson-Jackson (déjà vu dans Cop Car) endosse parfaitement.
- Copyright Epicentre films
Un tel schéma, mais aussi la mise en scène qui s’emploie à magnifier les décors bucoliques américains, renvoient automatiquement au cinéma de Terrence Malick, et en particulier à La Balade Sauvage qui, lui aussi, se construisait à la façon d’un road-trip en couple. L’une des conséquences directes de cette plongée dans l’introspection de Sam est de donner de Nick, son accompagnateur, une image idyllique à laquelle il est difficile de résister. Le charme d’Alex Pettyfer, qui apparaît, selon l’angle par lequel il est cadré, comme un sosie de Casey Affleck ou d’Henry Cavill, aide naturellement à partager cette représentation érotisante. Mais, justement, ce point de vue passionné met sur la table l’inévitable question de la nature pédophile de leur relation et place peu à peu le spectateur dans une situation des plus dérangeantes. Et, quand bien même le scénario joue allégrement de cette part de mystère, il ne répond jamais concrètement à ce doute et, de fait, ne condamne pas, mais au contraire déculpabilise, cet homme que l’on soupçonne de détournement de mineur.
- Copyright Epicentre films
En passant de 13 à 80 minutes, le duo de réalisateurs n’a pas non plus réussi à élaborer une dramaturgie qui tienne sur la durée. Leur système de déconstruction leur permet de créer une structure aux atours oniriques, à la qualité formelle irréprochable, qui les dédouane, pendant un temps au moins, de ne pas nous apporter les réponses aux interrogations ni de résolution à l’intrigue qui s’amorce. Et pourtant, cette évanescence esthétisante va finir par s’essouffler et donner place à une narration plus terre-à-terre, apparaissant, par comparaison, comme plus laborieuse mais surtout renvoyant le spectateur à ses regrets de ne pas pouvoir juger de la sincérité ou non de l’amour qui unit les deux personnages. Et, tandis que, à défaut de révélations surprenantes, les deux cinéastes nous offrent un plan final véritablement bouleversant, ils ne peuvent s’empêcher de le faire suivre d’un ultime flashback qui, en plus de ne rien apporter aux secrets restés non élucidés, renvoie le film à une symbolique loin d’être subtile. Autant dire que, bien qu’ils fassent preuve d’une évidente maîtrise dans leur mise en scène, Christopher Radcliff et Lauren Wolkstein auraient largement gagné à élaborer un scénario plus approfondi.
- Copyright Epicentre films
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.