Politique ou fantastique ?
Le 16 juillet 2019
Quand des ados se retrouvent seuls dans leur ville après un événement mystérieux, que font-ils ? Plein de choses, mais curieusement ne se posent pas deux ou trois questions que la série, pourtant captivante, induit mais laisse sans réponse…
- Réalisateurs : Marc Webb - Christopher Keyser
- Acteurs : Kathryn Newton, Rachel Keller, Sean Berdy, Kristine Frøseth, Alex Fitzalan, Olivia DeJonge, Natasha Liu Bordizzo, Toby Wallace
- Nationalité : Américain
- : Netflix
- Durée : 10 épisodes de 54 à 61 minutes
- VOD : NETFLIX
- Genre : Fantastique
- Âge : Interdit aux moins de 13 ans
- Date de sortie : 10 mai 2019
- Plus d'informations : The Society
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Résumé : Quand tous les autres habitants de leur riche bourgade disparaissent mystérieusement, les jeunes de West Ham doivent créer leur propre société pour survivre.
Avis : Quelle est la règle qui fait que Netflix décide (ou pas) de lancer la saison suivante d’une série ? Mystère, mais le verdict tombe généralement dans les semaines qui suivent la première diffusion. Inutile de préciser que la trame de ladite saison, voire plus, est déjà depuis belle lurette sur les bureaux des players du diffuseur, avant qu’ils ne sortent le carnet de chèques.
Quand Christopher Keyser a vendu The Society à Netflix, il a forcément dû leur expliquer le final de l’histoire, ou à défaut de solides pistes, pour que le diffuseur et concomitamment le spectateur se laissent embarquer dans la première saison et réclament furieusement la saison 2, car son pitch – même s’il n’est pas « très » original – présente, sur le papier, un possible potentiel addictif. Sous réserve d’avoir balisé le terrain. Or à l’issue de cette première saison, on se demande si les balises sont bien dans la bible de l’équipe d’écriture ? Et si elles y sont, alors elles sont sacrément bien cachées. C’est finalement ça qui donne paradoxalement envie de voir la suite*, malgré un désir d’une intensité modérée.
Reprenons le pitch, ou plutôt la situation de départ, exposée dans le premier épisode : West Ham (Connecticut) est petite commune huppée où règne une odeur étrange. La mairie a sollicité le gouvernement qui, en attendant d’expliquer et résoudre ce phénomène, propose d’envoyer les jeunes du lycée en camp de vacances, histoire de « changer d’air ». Hélas, les bus qui les conduisent doivent faire demi-tour, la route étant bloquée par des intempéries. À leur retour, les ados découvrent une ville totalement déserte et surtout coupée du monde, encerclée par une mystérieuse forêt quasi impénétrable.
Parce qu’une forêt qui pousse en 24 h, moi, jamais vu… »
- Copyright Netflix
Quelle était cette odeur ? Pourquoi n’avoir envoyé que les élèves de terminale du lycée à l’extérieur de la ville ? Pourquoi et comment tout le monde a-t-il disparu, y compris les animaux, l’expression « pas un chat » étant, pour le coup, appliquée à la lettre ? Comment cette forêt a-t-elle pu pousser en quelques heures ? Et puis surtout, comment ces jeunes issus de la haute bourgeoise, West Ham étant une succession de villas chics où rien ne manque, vont-ils se débrouiller, livrés à eux-même, en totale autarcie ? Voilà le paquet de questions que déballent les auteurs dès le début de la série.
Au fil des épisodes, les scénaristes décident de privilégier les questions liées à la (sur)vie du groupe, plus que celles qui concernent le fantastique. Et c’est précisément là où The Society présente ce bizarre déséquilibre, à la fois captivant et pénible, à la limite de la faute lourde d’écriture. Sans spoiler, outre le mystère initial de la situation, on se demande vite pourquoi deux ou trois curiosités, induites par certaines « facilités », n’interpellent pas les protagonistes et ne génèrent pas d’autres nœuds dans l’intrigue. Une incompréhension étrange s’installe : comment les créateurs - et Netflix - ont-ils pu supposer que le spectateur ne finirait pas par se poser de telles questions, en tout cas assez tracassantes, nous semble-t-il ? Certes, nous sommes dans une série fantastique, mais il n’empêche que faire l’impasse sur certains points, c’est aussi prendre le risque de perdre le spectateur en cours de route.
- Copyright Netflix
Or c’est là que se trouve le « paradoxe » de cette série, qui finit par rattraper le spectateur et le tenir, malgré un démarrage poussif. Si les impasses narratives sur les aspects fantastiques de l’histoire s’accumulent un peu trop, en revanche côté « société », les auteurs font plus que le boulot. The Society, qui justifie ainsi son titre, passe en revue une grande partie des maux de l’Amérique : culte de la réussite personnelle, de la possession et de la propriété, fléau des armes, inégalités sociales (même entre « riches »), mélange entre religion et vie politique, mais aussi drogue ou homophobie. D’aucuns ont présenté The Society comme inspirée du roman de William Golding, Sa Majesté des mouches, qui raconte le destin d’un groupe d’enfants de la noblesse anglaise, échoués sur une île déserte à la suite du crash d’un avion. Seuls rescapés (les adultes les accompagnant sont morts), leur survie ne dépend que d’un choix simple : s’aider ou choisir le chacun pour soi. Le même drame se pose, sauf que nous sommes 65 ans après la publication de ce classique de la littérature anglaise, qu’il ne s’agit pas de quinze enfants, mais d’au moins cent ados et jeunes adultes, que ce n’est pas un crash et surtout que les magasins, placards et frigos dans les villas ne sont pas vides. Une vie politique se (re)créé alors à West Ham, au début, au sens noble du mot - vie de la cité -, mais en adopte insidieusement tous ses travers, bien réels, eux : mensonges, intrigues, coups tordus et jeux d’alliances (parfois dignes de la mafia dans quelques scènes assez surprenantes), sans oublier une réflexion sur la place des femmes. Le tout triturant une question récurrente : en cas de danger imminent et létal pour la collectivité, la démocratie est-elle vraiment adaptée ?
- Copyright Netflix
The Society n’est pas une partie de Diplomacy, malgré la présence de la boîte du jeu dans le décor. Si on « joue » dans le premier épisode, le « game-over » est vite sifflé via une couche d’intrigues et une galerie de personnages parfaitement bien développés, si bien que l’arc narratif principal s’oriente essentiellement vers un drame « politique », assez prenant. Portés et interprétés par un casting exceptionnel, ces ados se transforment en l’espace de quelques épisodes en adultes de plus en plus tourmentés dans leurs rapports aux autres, leurs propres névroses et par la situation de la ville, bien moins par les causes, mais plus par ses conséquences. Si bien que le postulat initial fantastique de la série passe trop en arrière plan et quand il revient, on ne peut s’empêcher de songer à Under The Dome et Lost. Avec pour effet, un présage plus que mitigé quant à la suite, ces deux séries « cousines » ayant fini par lasser et décevoir.
- Copyright Netflix
Les dernières minutes de The Society proposent un vrai-faux reveal, une gamberge juste suffisante pour nous faire saliver et espérer que l’entrée qui sera servie dans le premier épisode de la deuxième saison nous ouvrira franchement l’appétit, et ne sentira pas le réchauffé au micro-ondes dans la cuisine d’une villa huppée de West Ham. Comme nous terminons en cuisine (décor récurrent), il est clair que les scénaristes ont encore du pain sur la planche et que si les jalons initiaux ont bien été vendus à Netflix, il est impératif qu’ils soient bien visibles dans leur bible des recettes d’écriture de la suite !
- Copyright Netflix
(*) Le tournage de la saison 2 a été annoncé il y a quelques jours par Netflix, sur Twitter.
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