Le 18 juillet 2022
Avec son rythme à cent à l’heure, ses litres de sangs, ses kilos de tripes et son désespoir, The Sadness va choquer son monde. Rob Jabbaz utilise ici la manière forte pour nous ouvrir les yeux face à notre monde en perdition.
- Réalisateur : Rob Jabbaz
- Acteurs : Berant Zhu, Regina Lei, Emerson Tsai
- Genre : Épouvante-horreur
- Nationalité : Taïwanais
- Distributeur : ESC Distribution
- Durée : 1h40mn
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans avec avertissement
- Date de sortie : 6 juillet 2022
- Festival : Festival de Gérardmer 2022
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Résumé : Après un an de lutte contre une pandémie bénigne, le virus mute brutalement et transforme les citoyens de Taipei en psychopathes sadiques et sanguinaires. Au milieu de cette boucherie, un jeune couple tente de survivre pour être réuni avant qu’il ne soit lui aussi infecté.
Critique : Attention les yeux !
Donc… que dire de The Sadness de Rob Jabbaz ? Voilà un film qui fera couler beaucoup d’encre, autant que de sang dans le film.
- Pendant la canicule hydratez-vous
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Le long métrage assume être très inspiré de la série de comics gore porn Crossed, lancée par Garth Ennis (The Boys, Preacher) et Jacen Burrows. C’est La Route de Cormac McCarthy en version trash. C’est gore, répugnant, terrifiant, pornographique aux entournures et désespéré. Le film en reprend les grandes lignes, profitant de la pandémie mondiale que nous-mêmes traversons : un virus frappe l’humanité et fait ressortir les pulsions les plus sombres et perverses de chacun d’entre nous, tapies au plus profond de nos âmes.
- Illuminez votre visage avec joie
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Le réalisateur canadien ne perd pas son temps en exposition et mise en place : il nous balance toute sa violence après dix petites minutes de présentation où l’on redoute impatiemment le moment où tout basculera. Et à partir de là, vous qui entrez dans le film devez abandonner tout espoir. Vous êtes partis pour une heure et trente minutes de massacres, viols, cannibalisme et démembrements, et pas forcément dans cet ordre. Les bandes-annonces ne se sont pas privées de nous prévenir : vous allez déguster.
Ce cirque d’horreur dépressif, sale et gore dans lequel nous sommes plongés, est accompagné de l’avertissement « interdit aux moins de seize ans », ce qui peut être sujet à débat. Débat portant sur ce que l’on peut montrer, comment on peut le montrer et surtout à qui on peut le montrer.
C’est un film qui ne ment pas sur ses promesses. Certaines idées extrêmement sales et particulièrement dégoûtantes sont toutefois restées hors-champ. Pour les avides de gore, ce pourrait être une déception mais la suggestion sait se montrer terrifiante. L’imagination fait tout le travail. Sachez que pour les plus téméraires, une version uncut existe.
Nous avons assisté ces dernières années à la banalisation de la violence. Une mode à double tranchant. Moins effrayante à regarder donc moins impactante, mais aux terribles conséquences. The Sadness prend le parti de l’exposer pour ce qu’elle est. C’est-à-dire, violente (merci captain Obvious), rude, sale, douloureuse, boueuse, infâme etc… Et les personnes infectées s’en donnent à cœur joie.
- Souriez et peut-être demain vous verrez le soleil briller
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Ramener la violence à son état naturel. Elle doit déranger et effrayer.
À l’instar du comics ce n’est pas un objet à mettre entre n’importe quelles mains. Dans un contexte comme celui-ci, le métrage nous hurle au visage qu’il n’y aura pas de héros pour venir nous sauver. Nous serons seuls. Et les seuls sur lesquels nous pourrons compter sont… nous-mêmes. Mais fallait-il aller jusque-là ?
On vous entend déjà dire « Ouiiii z’y connaissez rieeeen… le film le plus violent que vous avez dû voir c’est Saw 6. Et c’est vachement profond comme thème ». Jeunes éphèbes, certains d’entre nous ont les Evil Dead, les zombies de Romero, les 28 + tard, Poultrygeist, Cannibal Holocaust, Street Trash et Serbian Film au compteur pour ne citer que ceux-là. Niveau gore et sale, les références sont là. Pour le thème, asseyez-vous, on y arrive.
- "Le progrès technique est comme une hache qu’on aurait mis dans les mains d’un psychopathe" - Albert Einstein
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Le fond est également un point tout autant ouvert au débat que sa plastique. Le personnage qui décrit bien le point de départ de toute cette horreur est le business man quinquagénaire qui veut discuter avec l’héroïne Kat dans le métro. Scène située après la première attaque dont est témoin et victime Jim, le petit ami de cette dernière. Toute cette scène, posée et déprimante, est la plus forte du film. Celle sur laquelle tout le discours repose. Et celle par laquelle ce métrage reflète bien les problématiques de notre époque désastreuse. La scène est toute simple. Un homme veut tailler une bavette avec une jeune femme. Parler du roman qu’elle lit dans le métro. Il lui fait part de sa joie de voir qu’il y a encore des gens qui lisent au lieu d’être vissés sur leurs téléphones portables. Elle acquiesce et lui demande gentiment de la laisser lire tranquillement. Il la laisse un instant et devient entreprenant, sans être agressif non plus, hein, mais cela la gêne. Jusque-là c’est compréhensible. « À un moment il faudrait voir à ne pas aller plus loin. J’ai fermé la conversation donc laissez-moi ». Mais… illustrant parfaitement notre monde actuel elle le menace d’aller le dénoncer pour harcèlement sexuel ce qui le plonge dans le plus grand désarroi, constatant que notre monde part complètement en vrille avant de partir lui-même… en vrille. Un constat simple et brutal. Ce virus nous libérerait-il donc de toute cette horreur quotidienne que nous nous sommes infligés nous-mêmes ? En tous cas, les infectés, eux, ont l’air contents.
Malgré ces airs de boucherie gratuite, The Sadness nous pousse à réfléchir sur ce que nous faisons de l’humanité. Et maintenant, la question à un million de dollars : faut-il le voir ? Vous pouvez essayer du moins.
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