Room for one
Le 14 février 2018
Nanar ultime qui captive le public américain depuis plus d’une décennie, l’improbable The Room n’a malheureusement pas gratifié les spectateurs français de sa nullité. Les cinéphiles les plus aventureux se doivent toutefois de découvrir ce « classique ».
- Réalisateur : Tommy Wiseau
- Acteurs : Tommy Wiseau, Greg Sestero, Juliette Danielle
- Genre : Comédie, Drame, Nanar, Inédit (salle, vidéo)
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h39mn
- Date de sortie : 27 juin 2003
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Résumé : Plaît-il ?
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Notre avis : Avec son premier film, le fascinant The Room, l’artiste dément Tommy Wiseau a créé un puzzle indéchiffrable qui est bien pénible à regarder mais fascinant à analyser. Le film est devenu culte quelques années après sa sortie, et les projections en continu de cet ovni dans une poignée de salles américaines attirent constamment des milliers de spectateurs hilares qui récitent chaque réplique du film tout en le regardant. Un phénomène qui rappelle bien sûr The Rocky Horror Picture Show, à ceci près que ce dernier est un excellent film malgré son étrangeté. Mais si The Room fascine autant c’est parce qu’il pose un question profondément existentielle : « Pourquoi ? » Pourquoi ce film existe-t-il ? Pourquoi quelqu’un voudrait raconter une telle non-histoire ? Pourquoi chaque détail est-il si minutieusement raté ? Les navets, ça ne manque pas, mais peu de films peuvent se vanter de commettre autant de péchés que celui-ci.
Et ces nombreuses questions sont accentuées par les origines troubles de son créateur : Tommy Wiseau (un alias). Millionnaire déluré ayant décidé de se mettre au cinéma soudainement, celui-ci ne fait pas les choses à moitié : acteur principal, scénariste, réalisateur et producteur de The Room, il porte à lui seul la lourde responsabilité de cet échec sur toute la ligne. Dans son fascinant livre The Disaster Artist, Greg Sestero, un acteur du film, revient sur la longue et complexe création du long-métrage et dresse également un portrait fascinant bien que limité de Wiseau, qu’il connaît depuis de longues années sans toutefois savoir grand chose sur lui. Car Wiseau est entouré de mystère : son accent trahit clairement qu’il n’est pas américain mais il a toujours refusé de dévoiler son pays d’origine. Il n’est définitivement pas aussi jeune qu’il le prétend et quant à sa fortune, nul ne sait d’où elle vient... Tout ce que l’on sait, c’est que sa personnalité fantasque s’exprime à plein dans The Room, pour le meilleur et surtout pour le pire.
Refusant brusquement toutes les idées de son équipe durant un tournage difficile qui s’est éternisé de longs mois, le réalisateur en herbe a ordonné à ses acteurs de réciter les dialogues tels qu’il les a écrits, quand bien même sa maîtrise de l’anglais laisse clairement à désirer. Il est donc bien difficile de comprendre quoi que ce soit au scénario de The Room. Par ailleurs, ce titre étrange n’a absolument aucun lien avec l’intrigue et est parfaitement inexplicable. Ce qui est évident, c’est que le personnage incarné par Wiseau, nommé Johnny, est un homme bon et généreux avec ses amis. Un héros au grand cœur trahi de tous côtés par ses proches maléfiques dont notamment son horrible femme Lisa. Caricature misogyne hilarante de naïveté, cette harpie manipulatrice se repent bien sûr de ses péchés une fois qu’elle réalise la perfection de son compagnon. Tous les personnages du film n’existent ainsi que pour mettre en exergue à quel point Johnny (et donc Wiseau) est quelqu’un d’exceptionnel. Mais si le scénario et les dialogues sont drôlatiques dans leur non-sens absolu, la mise-en-scène n’a rien à leur envier...
The Room a été produit pour la somme de six millions de dollars sortis de la poche de Tommy Wiseau lui-même. Un budget plutôt confortable pour un film indépendant. Dommage que pas un seul dollar de cette somme rondelette n’apparaisse jamais à l’écran de cette production qui ferait passer un soap-opera mexicain pour un film de Stanley Kubrick. Filmé dans des décors indigents, multipliant les faux-raccords et les cadrages miteux, The Room dresse une liste plus que complète des erreurs à ne jamais commettre en réalisant un film. Malgré tout ces défauts, une telle description pourrait donner envie aux courageux amateurs de nanars de découvrir cette ovni absolu. Malheureusement, le plus grand péché de The Room est qu’il procure un ennui total. Les 99 minutes du film défilent à une vitesse d’escargot et si le début amuse par sa nullité abyssale, le reste du long-métrage devient rapidement une expérience de torture. L’œuvre de Tommy Wiseau reste pourtant un visionnage étrangement addictif. Les séries Z de faible qualité ne manquent pas, il n’y a qu’à voir la récente série des Sharknado. Mais ce qui est réellement fascinant dans The Room, c’est qu’il s’agit d’un film sans aucune trace d’ironie ou de second degré. Profondément sincère de bout en bout, c’est ce qui rend son naufrage de chaque instant incroyablement hypnotique.
- © Wiseau-Films
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