Le 20 juin 2017
Un petit film qui montre la maturité de Dwan à la fin de sa carrière
- Réalisateur : Allan Dwan
- Acteurs : Anthony Quinn, Ray Milland, Debra Padget
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Aventures
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Sidonis Calysta
- Durée : 1h27mn
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– Année de production : 1957
Résumé : Un gangster oblige son ancienne maîtresse et le mari de celle-ci à l’accompagner dans sa fuite vers le Mexique. Il connaîtra une fin tragique mais, grâce à lui, le couple désuni retrouvera le bonheur.
Notre avis : Dans la longue et prolifique carrière d’Allan Dwan (on lui attribue 400 films à peu près), The river’s edge fait partie des dernières œuvres, souvent jugées comme mineures et parfois, comme ici, inédites en France. La curiosité des cinéphiles devrait être attisée par ce caractère inédit, bien sûr, mais aussi par la distribution (Ray Milland, Anthony Quinn et Debra Padget, tout de même). Or ce qui nous retient, c’est l’extraordinaire économie du film : économie certainement faute de moyens, encore que cela ne l’entrave pas, économie surtout dans la narration : Dwan, comme nombre de cinéastes âgés, va à l’essentiel ; il se concentre sur les trois personnages, le mari, l’ancien amant- bandit, et la femme qui balance entre les deux, sur une action réduite à quelques topoï (l’argent, la frontière, la violence) et opère par retranchements ; on cherchera en vain des fioritures dans la mise en scène comme dans le scénario. Si le réalisateur vise l’épure, la transparence et la lisibilité, c’est qu’il a conscience à la fois du manque d’originalité de l’histoire (on trouvera des exemples similaires à foison, même si le modèle semble être Le facteur sonne toujours deux fois) et, c’est notre supposition, qu’il peut faire de ce récit basique une réflexion morale.
En effet, Dwan, tout en accordant son talent classique à la tension entre les personnages, organise l’histoire pour qu’elle ne soit plus qu’une série de dilemmes et de choix : quel homme, quel destin choisir ? Vaut-il mieux se sauver ou sauver les autres ? Quel prix accorder à l’argent ? Que sommes-nous prêts à faire pour survivre ? Pour que l’autre survive ? Autant de questions qui structurent le film, sachant bien sûr que chaque choix entraîne des conséquences. Autrement dit, The river’s edge se présente comme une réflexion ambiguë sur la responsabilité individuelle. Il est en ce sens, et en accord avec tout le cinéma classique, une leçon de vie, une manière de dire au spectateur : « voilà ce qui se passerait si ... ». Dwan ne pousse pas l’audace jusqu’à oser une fin immorale : tout rentre évidemment dans l’ordre ; néanmoins, on remarque que l’amant interprété par Ray Milland (que beaucoup trouvent assez fade, et qui nous paraît subtil …) trouve une voie juste à la fin,c e qui est en contradiction avec tous ses actes. C’est qu’au fond le film est un itinéraire spirituel (comme le note François Guérif, les protagonistes se dépouillent en chemin) dont le soubassement est que l’homme se révèle dans l’action : la frontière prend ici une coloration morale ; passer la frontière, c’est choisir entre le bien et le mal, trouver le sens de son existence.
On pourra juger cette abondance de dilemmes un peu lourde ou la mise en scène trop effacée. Mais, outre que The river’s edge est plaisant à regarder, jamais les dialogues ne se noient dans des considérations éthiques. On est loin d’une œuvre à thèse, loin des débats moraux. Et la transparence de la réalisation ne se confond jamais avec une insuffisance : on est au contraire dans la maîtrise sereine, celle du vieux Ford ou du vieux Huston, tout en ayant conscience que Dwan reste en deçà. Les preuves abondent : les premières séquences sont ainsi d’une rare efficacité et montrent les frustrations de la femme avec une remarquable économie. De même suffit-il de deux plans sur un miroir (l’amant cherchant l’argent, le couple s’embrassant) pour en dire beaucoup et précipiter l’action.
On le voit, cet inédit, loin de faire partie des fonds de tiroir, est un film noir acéré, concentré, qui donne l’occasion à des acteurs modestes de jouer tout en subtilité. Même s’il peut être un peu déçu par la modestie de l’ensemble, le spectateur trouvera son bonheur dans cette pépite constamment passionnante, qui recèle assez d’idées originales et de partis-pris tranchés pour le satisfaire.
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