Laissé inachevé au Japon
Le 12 juillet 2006
The passenger est un spécimen rare : un film qui pèche par défaut de radicalité.
- Réalisateur : François Rotger
- Acteurs : Yusuke Iseya, Gabrielle Lazure
- Genre : Thriller
- Nationalité : Français, Japonais, Canadien
– Durée : 1h28mn
The passenger est un spécimen rare : un film qui pèche par défaut de radicalité.
L’argument : Entre le Japon et le Canada, un jeune homme est chargé de retrouver un traître ayant dérobé une forte somme aux Yakuzas.
Notre avis : Les Français au Japon. Que viennent-ils y chercher ? Une certaine sensation, une autre manière de filmer les corps, qui fait si souvent défaut à notre cinématographie, bien plus à l’aise quand il s’agit de capter les paroles. The passenger, donc. Film hybride, à mi-chemin entre le Japon et le Canada. Le bout du monde et son opposé. Adieu, repères. Un goût pour la marge qui contamine une mise en scène toute en violence elliptique. On a déjà vu ça ailleurs. C’était chez Philippe Grandrieux, le cinéma porté à son point limite, brut et incandescent. Irradiant de beauté. Dans ses meilleures scènes, The passenger nous renvoie à cette utopie charnelle d’un cinéma "physique" qui ne passerait que par les sens, et où le scénario ne serait qu’un vague prétexte, tout juste suffisant pour alimenter la quatrième de couverture d’un roman de gare. Ces tentatives de dynamisation des codes esthético-narratifs se heurte toutefois aux hésitations du cinéaste, ne parvenant pas à assumer jusqu’au bout sa radicalité. En l’espèce, nous aurions préféré appliquer la règle du tout ou rien, plutôt que cet équilibre frustrant, traversé de fulgurances aussitôt désamorcées.
Reconnaissons toutefois au film son indéniable modernité, sa capacité à capter quelque chose d’un contemporain dissout. Parlons de post cinéma (comme on parle de post rock) pour décrire cette mise en scène qui, derrière cette fascination pour les étendues industrielles désertiques, capture une mélancolie grave et troublante. Rien de bien nouveau (souvenons-nous de The last of England [1], requiem post-punk à la civilisation industrielle), mais toujours d’actualité.
François Rotger nous laisse donc sur notre faim, sur l’impression qu’il n’a pas encore donné le meilleur de lui-même. Que son univers appelle à des partis pris tranchés et radicaux, sans doutes plus proches des arts plastiques que du cinéma traditionnel. Espérons qu’il parviendra à confirmer ce premier essai, tumultueux et prometteur. Définitivement l’histoire des Français au Japon qui, d’Assayas à Limosin, touchent à l’essentiel sans toujours parvenir à se l’approprier.
[1] Derek Jarman, 1987
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ranx 12 juillet 2006
The passenger
J’ai vu le film en avant-première et il y avait bien longtemps que je n’avais pas vu une telle accumulation de clichés dans la catégorie "premier film d’auteur". Pour exemple :
– Un quart du film, les acteurs fument des clopes en regardant le vide (le micro capte leur inspiration, c’est passionnant). ça donne un côté Jarmusch au début (bon, au bout de la trentième clope des persos (ils fument tous, ça fait ce que la clope fait de mieux : ça comble un vide)
– Un autre quart, le réal filme des routes (en silence)
– Le troisième quart montre des gens qui font l’amour sans y prendre aucun plaisir (c’est un exutoire, tu vois, dans la vie, il n’y a pas de plaisir...)
Enfin, pour le dernier quart, les acteurs improvisent au téléphone (et c’est très très chiant car sans intêret aucun). Mention spéciale à l’actrice japonaise qui appelle l’hôpital pour demander des nouvelles de son père, tout en bouffant des céréales (c’est censé être sensuel ? )
On voit aussi des gens qui marchent dans des couloirs de dos (dieu ce que c’est long un couloir) / dans des galeries / dans des entrepots / dans la neige.
Au niveau sensualité, ou alors je suis très exigeant, ou vous êtes facilement ému mais moi perso, j’ai eu l’impression de regarder des cadavres, pas des acteurs, pas le moindre soupçon d’érotisme dans ces lumières crues, dans ces corps...
Je passe sur les effets comiques involontaires du genre ’j’arrive à m’approcher discrètement d’un type pour l’assomer alors que je marche dans la poudreuse et qu’elle fait un bruit démentiel quand je m’en vais".
Ce film est un catalogue de tout ce qu’il y a de plus nul dans le cinéma français auteurisant qui se regarde filmer et oublie juste que les fauteuils de cinéma ne sont pas là pour faire jolis. Ils servent juste à poser les fesses des spectateurs à qui le film est censé transmettre une émotion (la plus minimale soit-elle). Accessoirement, avoir un point de vue en tant que réal, peut être intéressant aussi...
Ici, on nous parle de radicalité. Je pencherais plutôt pour du vide intersidéral, un réel manque d’inspiration (on voit plusieurs fois les mêmes scènes jouer par d’autres). Par essence, un film "silencieux" ne me dérange pas (voir le magnifique "Hana Bi" qui sait transmettre des émotions en un regard), il faut juste que je ressente quelque chose, que j’ai l’impression que l’on veuille bien me dire quelque chose quand bien même je dois me débrouiller pour trouver la clé narrative. Ici, zip, nada, rien...
Même la télé réalité a plus d’émotion que cet aquarium auteurisant qui accumule le maximum de clichés (ex les djeuns qui d’un coup, sans raison, mettent la musique à fond et font des tours en voiture en rigolant (ils ont l’air de s’amuser, eux au moins).
A conseiller à son pire ennemi