Le 26 avril 2018
Un regard clinique sur le fiasco bureaucratique qui a ouvert la porte aux attentats du 11 septembre. Nécessaire, mais parfois un peu plat.
- Acteurs : Jeff Daniels, Peter Sarsgaard, Tahar Rahim, Michael Stuhlbarg, Bill Camp
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Américain
- Date de sortie : 28 février 2018
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Résumé : Retour en 1998, dans un contexte géo-politique tendu, avec la menace grandissante représentée par Oussama Ben Laden et Al-Qaïda. La rivalité entre la CIA et le FBI aurait-elle pu involontairement ouvrir la voie à la tragédie du 11 septembre et à la guerre en Irak ?
Notre avis : Au visionnage de The Looming Tower, on pense forcément à ce qu’avait fait Kathryn Bigelow et son scénariste Mark Boal sur Zero Dark Thirty, qui retraçait, lui aussi de manière succincte et sur plusieurs années, le combat contre Al-Qaïda post-11 septembre. Dorénavant la traque du groupuscule terroriste pré-11 septembre est mise en lumière par le biais d’une production qui s’est offerte les moyens adaptés à son ambition. En posant un regard lucide et documenté sur la situation , The Looming Tower saisit des questionnements autant – si ce n’est plus – passionnants que ceux soulevés dans Zero Dark Thirty, car il s’agit d’éclaircir les zones restées bien sombres de cette phase de l’Histoire américaine et mondiale. L’enjeu est ici de comprendre comment une telle attaque a pu se produire en tentant de "rationaliser" les divers événements et erreurs de jugement qui ont conduit à cette dernière. L’incompétence des grandes institutions fédérales, si elle est fondue dans un regard dense, parfois trop éparpillé, de la situation, ressort comme dramatique et terriblement préjudiciable. Dans ce genre d’oeuvre fleuve à caractère critique, vendue comme polémique même, le montage doit servir d’appui solide à la construction de l’analyse et The Looming Tower n’oublie pas la force de cet outil dans l’élaboration de sens. Derrière les classiques allées et venues entre différents bureaux, pays et personnages, la série Hulu oppose l’inaction d’une bureaucratie plus occupée à se tirer dans les pattes à l’action d’un groupe uni et animé par une irrépressible envie de tirer sur l’Occident et les USA en tête.
- Copyright : Hulu
La série Hulu se joue de notre regard actuel sur la situation. Sachant pertinemment vers quoi les événements vont déboucher, le spectateur regarde impuissant les attentats se mettre en place. Et impuissant, Le FBI et la CIA le sont aussi. The Looming Tower s’attache, surtout vers ses derniers épisodes tragiques, à signifier le retard de l’enquête des institutions fédérales en comparaison de la progression inarrêtable d’Al-Qaïda. En posant un regard froid et méthodique sur les prémices du 11 septembre, les showrunners ne forcent pas le trait sur cette rivalité dangereuse mais, à l’instar de Bigelow, semblent plutôt déterminés à relater les choses telles qu’elles pourraient se présenter sous un point de vue revendiqué comme neutre. En l’état, à bien y regarder, l’objectivité prônée est facilement discutable, surtout dans le final, logiquement concentré sur le 11 septembre. Épaulée d’images d’archives pour appuyer la catastrophe par l’hybridation de la fiction qui rejoint la réalité, The Looming Tower n’évite pas un voyeurisme perturbateur de la vision jusque là carrée des événements. La série change quelque peu son fusil d’épaule, et vu son sujet, on ne peut pas lui en vouloir. La conclusion lâche la froideur de l’analyse pour un regard bien plus humain de la situation, où les personnages doivent se confronter à leurs erreurs et à vivre avec. Événement toujours aussi douloureux dans les esprits – on le ressent bien dans la représentation de ce dernier à l’écran – la mise en image des attentats noue la gorge du spectateur, parce que la série choisit judicieusement de s’attarder sur leur impact sur les personnages plus que sur la chute des deux tours jumelles.
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The Looming Tower se projette également vers ce qui suivra au 11 septembre 2001 par quelques dialogues ou même une séquence entière, celle qui clôt la mini-série avant un montage d’images d’archives. Simplifiée pour les besoins de la symbolique, cette scène d’interrogatoire finale profite d’une écriture de grande qualité pour dérouler un discours à la force indéniable. Plus de dix minutes sont ainsi consacrées à démonter une idéologie haineuse et anti-religieuse véhiculée par les dogmes d’Al-Qaïda en reposant sur un schéma de la preuve par A plus B implacable. Par la même occasion, ce même interrogatoire en profite pour distiller une pique souvent revenue dans les réquisitoires contre la guerre et l’invasion de l’Irak et de l’Afghanistan : les Américains ne savent pas réellement pourquoi ils se battent. Cette unique phrase suffit à se projeter vers le futur de la série mais le passé et présent de notre réalité. Car si elle pointe du doigt les erreurs de plusieurs institutions sur ses dix épisodes, elle n’en oublie pas que cette tradition de l’incompétence de l’administration Bush a perduré lors du conflit en Afghanistan et en Irak.
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Malheureusement, on déplore le caractère trop sage du propos. Avec un tel sujet, les showrunners pouvaient faire de The Looming Tower une attaque sans détour envers les fautes de la CIA, du FBI (par ricochet) et du gouvernement pour sa lutte contre le terrorisme. En noyant sa verve critique dans une écriture qui ne fait pas de vague, la série amoindrit clairement la puissance de son sujet. Les éléments de dénonciation sont bel et bien là, mais ne provoquent que trop rarement le spectateur. L’approche de la série constitue à la fois son point fort, parce qu’elle évite un jugement grossier et facile, mais également son point faible, car elle transforme la série en objet trop plat, qui se perd notamment à humaniser des personnages de manière inégale et un peu opportuniste (on sait tous pourquoi John O’Neill dispose d’une caractérisation si importante en comparaison du reste des protagonistes). Parler de ton polémique sur-vend un peu The Looming Tower, ou en tout cas cerne mal ce qu’elle est en réalité, c’est-à-dire son opposé (ou presque). Pas l’œuvre incendiaire escomptée, mais tout de même un nouveau pas fait en faveur d’une remise en question de la gestion des Etats-Unis sur une part sombre de leur Histoire.
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