Le 20 août 2018
Dépouillé à l’extrême, ce film audacieux et fascinant suit le parcours d’un Robinson des temps modernes, sans qu’une parole soit prononcée.
- Réalisateur : Ala Eddine Slim
- Acteurs : Jawher Soudani, Fathi Akkari, Jihed Fourti
- Genre : Drame
- Nationalité : Tunisien, Qatarien, Emirati
- Distributeur : Potemkine Distribution
- Durée : 1h34mn
- Titre original : Akher Wahed Fina
- Date de sortie : 22 août 2018
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Résumé : N, un jeune subsaharien, traverse le désert pour rejoindre le nord de l’Afrique et effectuer un passage clandestin en Europe. Après un braquage, il se trouve livré à lui-même en Tunisie. Finalement, il décide de traverser solitairement la mer vers un pays européen. Commence alors pour lui une véritable quête initiatique.
Notre avis : Tourné en 28 jours et avec peu de moyens, The last of us est un film plus complexe qu’il n’y paraît : certes on y suit, et de manière linéaire, le parcours d’un migrant dont ni le nom ni la nationalité ne nous sont donnés, à travers des lieux non identifiés. Mais on est loin du regard social et humanitaire, vite balayé (la clandestinité, la peur, le matraquage) pour se hisser vers une dimension plus spirituelle, une manière de voyage initiatique qui est aussi une descente en soi. Pour cela, le protagoniste doit se dépouiller de ce qui le rattache à la civilisation ; car, après le vol d’un moteur, il part seul en bateau, loin de l’humanité que, d’après un carton, il vomit. Au contact d’une nature plutôt hostile, il perd peu à peu ses attributs humains (la boussole, symboliquement, est la première à ne plus fonctionner) et croise la route d’un initié qui va lui apprendre à survivre. Sans paroles, comme tout le film, leur relation est faite de distance et d’attentions discrètes : l’un sauve l’autre d’un piège qu’il avait tendu, le second comprend lentement la manière de se fondre dans la forêt, jusqu’à la disparition ultime, en une fin panthéiste de toute beauté.
- Photo promotionnelle proposée par Potemkine. Tous droits réservés.
Pour son premier film de fiction, Ala Eddine Slim n’a pas choisi la facilité : son personnage est opaque, et le pari du mutisme, s’il s’avère payant, à de quoi effrayer. De plus le rythme adopté est lent, proche de la contemplation, ce qui bien sûr correspond à un trajet intérieur autant que réel. Si on y est sensible, The last of us a quelque chose d’hypnotique, dans ses longs plans fixes (le voyage en bateau, par exemple, ou les errances en forêt) ou dans les majestueux travellings latéraux qui ponctuent la découverte d’un monde (le port, les arbres). Pas de concessions donc, sinon peut-être les cartons qui interrompent une seule fois la narration (choix discutable mais qui peut se comprendre comme une régression cinématographique, à la manière dont le héros « régresse » lui-même).
Contemplation, certes, mais dans ce métrage austère la vie foisonne : animale, végétale plus qu’humaine, elle oppose la forêt à la ville que quelques plans réduisent à des natures mortes. Au contraire, le protagoniste découvre peu à peu non seulement les secrets des bois mais encore la manière de s’y intégrer : ainsi le voit-on hurler comme un loup, ou se figer comme une pierre. En rejetant la civilisation, il s’ancre dans une autre réalité, plus ouverte, qui débouche sur le fantastique (la boule lumineuse qui le suit) et l’ineffable.
Selon sa culture et ses goûts, on peut retrouver dans le film les étapes d’une initiation, y décoder des symboles spirituels, en admirer les cadrages accomplis, ou se laisser aller à l’indolente fascination d’une fable hors du temps et de l’espace connu. Mais par l’attention aux détails, par la singularité de ses choix et de ses ambitions, Ala Eddine Slim a sans aucun doute réussi une œuvre intrigante et originale, qui vaut qu’on prenne la peine de s’y arrêter. Dépaysement garanti.
- Photo promotionnelle proposée par Potemkine. Tous droits réservés.
Lion du Futur, Mostra de Venise 2016
Prix de la Meilleure Contribution Technique, Semaine de la Critique, Mostra de Venise 2016
Tanit d’Or de la Meilleure Première Œuvre, JCC 2016
Prix NAAS, JCC 2016
Prix du Meilleur Directeur photo, JCC 2016
Meilleur Film Arabe,Festival de Cinéma de Tarifa 2017
Meilleur Acteur, African Academy Movie Awards 2017
Meilleure Image, African Academy Movie Awards 2017
Prix du Jury Lycéens (Films de Fiction), Festival des Cinémas d’Afrique d’APT 2017
- Distribution : Potemkine Films (2018) Tous droits réservés.
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