Le 17 juin 2020
Après The Favourite, le scénariste et producteur Tony NcNamara nous livre une expérience satirique, acide dans la cour impériale russe, avec une légère dose historique et une haute dose d’inventivité, portées par un regard irrévérencieux et parodique sur la mentalité pré-moderne. La vengeance féministe est au menu, délicieuse et extrêmement piquante.
- Réalisateurs : Colin Bucksey - Bert & Bertie - Ben Chessell - Geeta Patel - Matt Shakman
- Acteurs : Elle Fanning, Nicholas Hoult, Phoebe Fox, Sacha Dhawan
- Genre : Comédie, Drame
- Nationalité : Britannique, Australien
- : Starzplay
- VOD : Starzplay (Amazon Prime, Apple TV, Orange)
- Date de sortie : 18 juin 2020
L'a vu
Veut la voir
– Une saison de 10 épisodes
Résumé : Cette comédie « basée en partie sur des faits historiques » nous permet de suivre Elle Fanning dans le rôle de la récemment couronnée impératrice Catherine II de Russie. Elle mène une quête pour sortir la Russie d’une mentalité encore médiévale. Catherine, petite fleur adolescente naïve, constate avec une grande déception que la vie en mariage n’est pas ce qu’elle attendait. Son nouvel époux et empereur, Pierre ({Peter}), n’est qu’un arriéré (conforme à une grande partie de la cour royale), manquant généreusement de neurones. Ses seuls intérêt sont la fornication et l’alcool. Enthousiasmée par les idées des Lumières qui se propagent en Europe Occidentale, défendent l’égalité, la justice ou encore la séparation de l’Etat et de l’Eglise, elle se retrouve dans un pays qui a comme pilier économique la servitude et où son seul rôle est d’accoucher de l’héritier au trône. Motivée par sa dame de chambre, Marial et son ami de la cour, le conseiller politique Orlov, la jeune impératrice poursuivra l’ambition secrète de sauver la Russie de son empereur, pour y introduire ainsi toutes les dernières innovations en matière de sciences, d’art et de politique.
- Copyright Hulu Press
Critique : Le scénario est sans relâche. La fraîcheur et l’impertinence laisseront les spectateurs amateurs d’acidité plus que satisfaits et impatients du prochain épisode, non pas tant grâce aux cliffhangers typiques de notre époque, qu’à la curiosité de voir toutes les possibilités d’une satire impitoyable des mentalités, qui refusent le progrès. Fondée sur une inventivité et une moquerie constantes, la série bascule dans des clin d’œil critiques à chaque seconde. C’est distinctement un type d’humour qui peut faire écho à l’originalité et l’acidité de la troupe anglaise Monty Python ou encore au satirique grotesque de Peter Greenaway. Aussi, il ne sera pas surprenant que la série rappelle le long métrage oscarisé The Favourite de Yórgos Lánthimos, puisque c’est le virtuose Tony NcNamara, scénariste de ce film, qui est en charge de The Great.
Les dialogues palpitant sont un des atouts majeurs. En effet, qu’ils soient comiques ou plus réfléchis, ils coulent dans la bouche comme le jus sucré, frais tel le bonheur avec lequel l’impératrice tombe amoureuse. Chaque mot n’est pas seulement juste, il est le meilleur choix.
Si dans un premier temps, on pourrait penser que l’écriture des dialogues l’emporte sur la grande structure de l’histoire, on peut être surpris à plusieurs reprises par les tournants du scénario. Le spectateur, mobilisé par l’idée que tout l’intérêt se trouve plus dans les dialogues que dans la grande construction du synopsis et que donc il peut tout deviner, verra sa propre naïveté, ainsi que celle des personnages, défiée par ces tournants inattendus. Quel bonheur de voir la crédulité punie ! Cela permettra sans doute une plus grande empathie de la part des spectateurs qui verront que, la réalité et le doute, tels qu’on le voit en dehors des fictions, frappent aussi à la porte des plus grands personnages.
- Copyright Hulu Press
Une grande partie de l’originalité de la série est d’être inventive à travers les plus grands éloignements de l’Histoire, avec un « H » majuscule, comme annoncé par le sous-titre « basé en partie sur des faits historiques » (*a sometimes true story). Il ne faut donc jamais oublier que l’objectif de The Great n’est certainement pas une recherche d’objectivité historique, mais de tirer le loufoque des situations et de se moquer des préjugés et des mentalités structurées par le contexte de chaque époque. C’est cette heureuse permission qui permet un double regard : un regard contemporain qui se moque de l’époque moderne et un regard moderne qui surprendra aussi nos préjugés de notre mentalité contemporaine. Qui est The Great (le Grand) » alors ? Qui gagnera la dénomination royale « le Grand » dans cette histoire ? L’empereur russe qui a tout gagné depuis sa naissance ou l’impératrice étrangère qui, par sa condition de femme, doit être reléguée au rang de "simple porteuse d’héritier" ? Une femme passionnée par Descartes, qui rêve d’égalité, d‘éduquer le pays, de l’alphabétiser, le remplir des idées des Lumières qui balaient l’Europe et sont encore méconnues en Russie.
Elle rêve des droits de l’homme, mais elle n’en a que très peu. Catherine la grande s’avère ainsi un choix intéressant, pour en faire une histoire qui met en valeur des batailles encore d’actualité. En parlant de batailles actuelles, on peut également mentionner la grande diversité au sein de la distribution.
On croit assurément que ce qui rend cette série unique est irrévocablement lié à la fraîcheur douce et pétillante d’Elle Fanning. La jeune impératrice assortit chaque geste d’une précision qui rend impossible la pensée d’une autre dans ce rôle. Fanning démontre ainsi que son talent, déjà renommé, est d’un long spectre qui peut aller du drame à la comédie la plus mordante. On peut faire accorder une mention spéciale à la dame de chambre, Marial, interprétée par Phoebe Fox qui démontre un potentiel prometteur.
- Copyright Hulu Press
Finalement, il faut parler d’un ingrédient fortement épuré dans cette production et qui contribue d’une façon majeure à la sensation de douceur irrésistible : la cinématographie et les décors ou plus largement le design de production. On trouve dans l’éclairage une lueur blanche, ainsi qu’un excellent travail d’éclairages rendus chauds par les bougies, pour les scènes de nuit. Ce contraste peut servir de métaphore entre l’opulence de la cour royale et la réalité des dures conditions de tout le reste du peuple : serviteurs, soldats et paysans ; ou encore entre l’innocence de Catherine et la dépravation de la cour. Les lueurs opalines font aussi ressentir à la fois la froideur de la Russie et la naïveté de la jeune impératrice. Avec une gamme de couleurs pastel, notamment verts, ocres et bleus clairs, le composant visuel de cette série (qui peut rappeler Marie Antoinette de Sofia Coppola) nous transmet la légèreté, ainsi que l’artificialité des excès de la cour. Toute cette esthétique rend celle-ci irrésistible à l’œil.
Citation notable :
« Votre bonheur est-il une position politique ? J’ignore si j’admire ou si je méprise votre point de vue ».
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.