Scarface Korean Connection
Le 31 juillet 2019
À force de trop chercher son style, entre Scorsese et De Palma, ce biopic d’un baron de la drogue opérant depuis le port de Busan nous empêche de plonger dans ses eaux troubles et nous laisse sur le quai… Dommage.
- Réalisateur : Woo Min-ho
- Acteurs : Song Kang-ho, Doona Bae, Jo Jung-suk
- Nationalité : Sud-coréen
- Distributeur : Netflix
- Durée : 2h18mn
- VOD : NETFLIX
- Chaîne : NETFLIX
- Reprise: 21 février 2019
- Genre : Thriller
- Titre original : The Drug King
- Date de sortie : 18 décembre 2018
- Plus d'informations : The Drug King
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Résumé : Dans les années 1970, un petit trafiquant de drogue de Busan gravit les échelons de la mafia et finit par construire un empire de la Corée du Sud jusqu’au Japon.
Notre avis : Si dans Les Affranchis, Martin Scorsese adopte une forme « spectaculaire » à coups d’arrêts sur image, longs plans au steadicam, flash-back, voix-off fil rouge et bande-son balayant trente ans de musique pop, il n’en perd pas moins le spectateur, loin s’en faut, et le tient avec des séquences, véritables cours de vol et recel, corruption ou blanchiment d’argent. Quant au Scarface de Brian De Palma, s’il décrit en détail le parcours de Tony Montana, parti de rien pour se hisser au sommet du trafic de coke avec le cartel colombien, avant de sombrer dans la folie, sa force repose aussi sur l’interprétation hallucinée d’Al Pacino.
Il est évident que Min-ho Woo connaît par cœur ces deux classiques du genre, et l’histoire vraie dont il s’inspire avait tout pour faire de The Drug King un très grand film. Hélas, à force de faire le balancier entre ces deux aînés, il finit par égarer le spectateur. En fait, ce n’est pas l’absence d’un choix de réalisation qui pose problème : adopter une combinaison Scorsese + De Palma n’est pas « répréhensible » en soi, bien au contraire même. Mais plus l’écart de références entre Occident et Asie qui, sur ce coup, devient fatal. The Drug King, trop ancré dans un contexte historique pointu de la Corée des années 70, est victime d’un problème d’écriture, de séquences « explicatives » qui font défaut et auraient probablement abouti à une histoire fleuve, proche des trois heures, donnant ainsi à Min-ho Woo l’opportunité de parachever cette demi-démonstration de ses indiscutables qualités de metteur en scène.
C’est d’autant plus regrettable que cela démarre très bien, avec un prologue micro-documentaire, sur fond de K-pop, rappelant les origines nippones de la méthamphétamine, son utilisation par les kamikazes, puis son interdiction au Japon et une « Korean Connection » qui va en découler avec, à sa tête, un certain Lee Doo-sam. Sachant que le spectateur occidental n’a probablement aucune idée de cette page de l’histoire coréenne, Min-ho Woo fait preuve de pédagogie, tout du moins dans la première partie, en suivant et détaillant les débuts de ce voyou de seconde zone, qui fait aussi bien dans le trafic de bijoux que de cuiseurs vapeur dans le port de Busan en Corée du Sud, jusqu’au jour où il accepte de transporter de la drogue pour des clients japonais. Ces derniers lui expliquent alors pourquoi ils importent leur came de Corée, là où elle est fabriquée avec une parfaite pureté, un peu comme par les chimistes marseillais de la French Connection, à la même époque.
- Copyright Netflix / Hive Media Corp
Au fur et à mesure que Lee Doo-sam s’élève dans le business, de son premier laboratoire à l’organisation de la filière, mais aussi se confronte aux autres dealers et commence à arroser douaniers, policiers, politiques, services divers et variés, la réalisation s’emballe aussi, à coups d’ellipses de plus en plus sévères, l’histoire durant une dizaine d’années. Le spectateur, pas nécessairement au courant de la complexité des relations entre les deux Corées, le Japon, le passif avec la Chine (Lee Doo-sam répète à l’envi qu’il est né en Mandchourie), finit par être perdu, et ne plus trop comprendre les tenants et aboutissants. Comment cet homme qui, il y a une heure, était un simple petit voyou, se retrouve-t-il dans les hautes sphères du pouvoir politique ? Qu’y fait-il au juste, tout en affichant une vie publique d’entrepreneur ou bienfaiteur de diverses causes ? Tout cela reste assez confus, tout comme son train de vie dans une immense villa avec maîtresse, décoration kitsch, laboratoire souterrain de fabrication de came et chambre forte, où s’empilent des montagnes de cash, ainsi que ses associés et/ou ennemis (?) et enfin le contexte politique final…
- Copyright Netflix / Hive Media Corp
Bien qu’interprété par l’un des meilleurs acteurs coréens de sa génération, Song Kang-ho (actuellement dans Parasite, Palme d’or de Cannes 2019), entre ce Tony Montana « Made in Korean » - la marque apposée sur les sachets de sa drogue - et le spectateur s’installe progressivement une distance, une vitrine en verre culturel et historique, que Min-ho Woo avait pourtant levée au début du film, qui nous empêche de plonger et de nous noyer, avec délice, dans les eaux du port de Busan. Si bien que nous restons sur le quai, à en contempler ses jolis reflets très biens éclairés, mais qui demeurent assez troubles. Dommage.
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