President’s Last Man
Le 9 novembre 2020
Situé à la croisée du film d’espionnage et du thriller historico-politique, L’homme du président adopte un point de vue aussi inédit que stimulant sur un événement déterminant de l’histoire de la Corée du Sud contemporaine : il est, par conséquent, quelque peu dommage que sa forme, par ailleurs maîtrisée, soit trop tributaire du cinéma hollywoodien.
- Réalisateur : Woo Min-ho
- Acteurs : Lee Byung-hun , Kwak Do-won, Éric Bernard, Lee Sung-min, Lee Hee-joon, Kim So-jin
- Genre : Drame historique, Thriller politique
- Nationalité : Sud-coréen
- Editeur vidéo : Lonesome Bear
- Durée : 1h54mn
- Date télé : 14 août 2023 21:00
- Chaîne : OCS Pulp
- Titre original : 남산의 부장들 [Namsanui bujangdeul]
- Date de sortie : 22 janvier 2020
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Résumé : Dans les années 1970, la Corée est sous la houlette du président Park, qui contrôle d’une main de fer la KCIA, l’agence de renseignements coréens. Kim Gyu-Pyeong, un commandant prometteur de la KCIA, voit sa vie être bouleversée lorsque l’ancien directeur de l’agence refait surface, avouant qu’il connaît toutes les affaires louches dans lesquelles a trempé le gouvernement. Alors que la tension monte, chaque parti tente de dissimuler son jeu, avant que n’éclate au grand jour la vérité…
- Copyright : Showbox / Lonesome Bear
Critique : En Corée du Sud, l’assassinat du président Park Chung-hee nourrit tout autant les imaginaires et les théories que celui de John Fitzgerald Kennedy aux États-Unis. Pour ceux qui l’ignoreraient, ce dictateur arrivé au pouvoir en 1961 à la faveur d’un coup d’État militaire, bien qu’artisan du développement spectaculaire de l’économie de son pays, a été abattu en pleine Maison Bleue le 26 octobre 1979 par Kim Jae-kyu, le directeur de la KCIA, l’Agence centrale de renseignement sud-coréenne, alors qu’il s’apprêtait à écraser sous les chars une révolte populaire.
Déjà, en 2005, Im Sang-soo avait reconstitué, dans The President’s Last Bang, l’ultime soirée du chef d’État dans sa résidence présidentielle surprotégée. Mais plutôt que de s’en tenir aux faits, le réalisateur de The Taste of Money (2012) avait choisi d’en faire une farce tragique à la fois cruelle, acerbe et satirique. En préférant se référer à KCIA Chiefs, un livre-enquête regroupant des articles d’investigation publiés en 1986, Woo Min-ho s’attelle au même sujet, mais prend le parti d’une narration plus classique : il perd certes en ironie et subversion, mais ce n’est que pour mieux gagner - et c’est sans doute pourquoi tous les noms ont été modifiés et que le réalisateur déclare avoir fictionnalisé certains éléments de l’intrigue - en vérité historique et en analyse psychologique.
- Copyright : Showbox / Lonesome Bear
Incarné dans le film d’Im Sang-soo par Baek Yoon-sik, Kim Jae-kyu, le directeur de la KCIA, n’y était qu’un personnage secondaire, puisque le protagoniste, un simple agent des services secrets sud-coréens, était incarné par Han Suk-kyu. Woo Min-ho choisit de lui faire prendre les traits de Lee Byung-hun : or, si l’acteur a, depuis ses grands rôles, un peu vieilli, il n’en constitue pas moins un visage familier pour le public occidental qui a pu si ce n’est suivre une partie de sa carrière sud-coréenne, du moins le découvrir dans des blockbusters hollywoodiens.
C’est donc certainement pour permettre à son film de toucher une audience internationale que le réalisateur commence par recontextualiser le drame qui va se jouer pendant près de deux heures (racontant la fondation de la Troisième République sud-coréenne et la création de la KCIA, afin de maintenir au pouvoir le président Park) : et c’est sans doute également dans un but pédagogique qu’il fait débuter L’homme du président quarante jours avant le meurtre et raconte surtout l’histoire du point de vue de ce personnage. Il nous montre ainsi sa fidélité à un président devenu manipulateur et que l’isolement a rendu paranoïaque, sa rivalité avec le chef de la sécurité intérieure, sa prétention de défendre la démocratie, un engagement qui l’aurait conduit à prendre part à la révolution de 1961, permettant à Lee Byung-hun d’incarner un rôle complexe, tout en nuances, dans la lignée de ceux qu’il a incarnés chez Kim Jee-woon.
- Copyright : Showbox / Lonesome Bear
S’il n’est pas avéré que le rôle des États-Unis dans l’élimination de Park ait été aussi actif que L’homme du président ne le suggère, il est patent que le cinéma d’outre-Atlantique a inspiré ce film, qui rend hommage aux réussites du genre produits par le nouvel Hollywood, comme Les hommes du président et Les trois jours du Condor : ses plans soigneusement travaillés, ses personnages documentés et sa mise en scène qui réussit à faire monter la tension crescendo témoignent d’une ambition de rivaliser avec le cinéma d’espionnage américain, davantage notamment que ne le faisait The Spy Gone North, l’autre récente réussite sud-coréen du genre.
Ainsi, passant tour à tour de la Maison Bleue au quartier général de la KCIA, de Washington, où s’est réfugié l’ancien directeur des services secrets après avoir déclenché le Koreagate, à Paris, où la traque se resserre autour de lui, Woo Min-ho parvient toujours à nous faire adhérer à sa reconstitution des années soixante-dix. Et, de même que dans Inside Men, polar sous forme de puzzle qui dénonçait la collusion entre les hautes sphères et la pègre de Corée du Sud et dans lequel Lee Byung-hun interprétait déjà le rôle principal, le cinéaste reconstitue l’assassinat de président Park Chung-hee avec un talent d’écriture certain et réussit à ménager quelques morceaux de bravoure, tout en laissant chacun délibérer de la légitimité de l’assassinat.
- Copyright : Showbox / Lonesome Bear
Il reste toutefois que malgré ses indéniables production values et l’efficacité de sa mise en scène, L’homme du président manque de ce je-ne-sais-quoi et de ce presque-rien, qui font les chefs-d’œuvre : peut-être Woo Min-ho a-t-il tout simplement négligé, comme un grand nombre de réalisateurs sud-coréens, que les films de son pays qui rencontrent le succès à la fois public et critique sont ceux qui misent sur leur particularisme, plutôt que d’essayer de rivaliser avec le reste de la production internationale, en en reproduisant les codes et la manière.
Test DVD/Bluray
Projeté en clôture de l’édition 2020 de l’Étrange Festival, "L’homme du président" de Woo Min-ho aurait dû commencer sa carrière en salles avec les avant-premières proposées par le Festival du Film Coréen, malheureusement annulé en raison de la situation sanitaire. Il sort donc en France en direct-to-video dans un pressage qui, puisque le film a été tourné en numérique, est d’excellente qualité. La bande-son en langue originale est de très bonne facture et le doublage français, une fois n’est pas coutume, réussi. On regrettera seulement qu’aucune des éditions ne propose d’autre supplément que la vidéo "Affaire classée", une introduction historique au film présentée par Stéphane du Mesnildot, certes instructive mais relativement courte - Disponible en DVD, Blu-ray et VOD - Sortie le 4 novembre 2020
Alors que, l’an dernier, "Parasite" de Bong Joon-ho a remporté quatre Oscars dont celui du Meilleur Film, "L’homme du président" représentera la Corée du Sud lors de la 93e cérémonie des Academy Awards.
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