The Ballad of Buster Scruggs - la critique du film

Avis : La légende dit qu’en tournant la bataille de boules de neige de son Napoléon (1927), Abel Gance fit jeter la caméra en l’air pour avoir le point de vue des boules. Dire que les frères Coen sont des furieux de la pellicule est une lapalissade. Alors, quand à la troisième minute de The Ballad of Buster Scruggs, s’ouvrant sur un cow-boy chantant en mode Roy Rogers accompagné de sa guitare, ils s’amusent avec un génial plan de coupe à placer la caméra à l’intérieur de la guitare avec mixage qui bascule en réverbération, on se dit "ok, on est parti pour un grand tour de Luna Park, une déclaration d’amour débridée au cinéma et au western".

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Les Coen dégainent ici le film à sketches, un genre cinématographique tombé en désuétude depuis les années 50/60, après son heure de gloire en Italie et quelques tentatives de-ci et de-là. Un choix logique, car grâce aux carnets de chèques de Annapurna Pictures et surtout de Netflix pour la diffusion mondiale, comme des gamins, ils vont enfin pouvoir déballer leurs jouets, pardon, leurs histoires de cow-boys et d’Indiens grattées et qui roupillaient depuis des années. Certes, ils ont déjà signé un excellent western, True Grit (2010), adaptation du roman éponyme après celle de Henry Hathaway, Cent dollars pour un shérif (1969) avec John Wayne qui décrocha au passage un Oscar ; sauf que cette fois, il s’agit de leurs histoires à eux, six exactement. Six tranches d’épaisseurs variables où l’on trouve, par ordre d’entrée, un cow-boy chanteur donc, mais virtuose du colt, un braqueur de banque pendu (enfin presque…), un forain ambulant avec un spectacle spécial, un interlude bucolique où un vieux bougre nous montre comment trouver de l’or, un convoi de pionniers à la conquête de l’Ouest où va se nouer un drame entre un frère, une sœur et un petit chien, et enfin un huis clos dans une étrange diligence.

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Avec de tels pitchs, les Coen s’en donnent à cœur joie et convoquent les fantômes de John Ford, Sergio Leone, Sam Peckinpah ou Raoul Walsh et même Tarantino, quoique bien vivant lui dans un élégant clin d’œil à The Hateful Eight. Résultat ? 2h13 de pur cinoche ! En feuilletant un vieux bouquin jauni (With Color Plates !) entre chaque segment, les Coen nous livrent leur bible du western via leurs petites histoires, toutes excellentes, et un missel des cadres, mouvements d’appareils et valeurs d’étalonnages du genre, en remontant même au muet avec de délicieux vignettages. Enfin, ils s’offrent un défilé de « guest stars », chacune jouant juste et sobrement, même si ce n’est que pour deux plans, avant de passer de vie à trépas…

On soulignera au passage, qu’avec cette pépite, Netflix démontre à nouveau sa capacité à produire des films, des « vrais » comme (ne) pense (pas) le patron de Cannes, où les frères Coen ont pourtant eu leur rond de serviette ; mais bon, c’est une autre histoire…