Le 8 octobre 2024
Il fallait le panache d’un Sebastian Stan pour interpréter le Donald Trump de ses premières années avec une telle puissance et à la fois un sens certain de la dérision. The Apprentice ne marque pas un seul faux pas du début à la fin avec un vrai sens du rire.
- Réalisateur : Ali Abbasi
- Acteurs : Martin Donovan, Sebastian Stan, Jeremy Strong, Maria Bakalova
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain, Irlandais, Canadien, Danois
- Distributeur : Metropolitan FilmExport
- Durée : 2h00mn
- Date de sortie : 9 octobre 2024
- Festival : Festival de Cannes 2024
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– Festival de Cannes 2024 : Sélection officielle, En compétition
Résumé : Années 1970. Les jeunes années de l’entrepreneur immobilier Donald Trump et sa relation avec l’homme politique Roy Cohn.
- © Festival de Cannes 2024. Tous droits réservés.
Critique : Les premières minutes du générique, on se croirait embarqué dans une mauvaise série américaine des années 1980, avec un formalisme qui laisse dubitatif tant dans la musique utilisée que les plans convoqués. Mais en réalité, il fallait bien cette texture-là pour introduire le personnage sans doute le plus controversé et infect de ces cinquante dernières années, Donald Trump. Comme le titre l’indique, Ali Abbasi retrace les premières années de la vie du futur président américain, sous la coupe d’un avocat pour le coup aussi répugnant que la créature qu’il va créer, Roy Cohn. Parler d’un homme comme Trump passe nécessairement par une prise de risque. Prise de risque dont Abbasi a bien conscience, car la faute de goût, l’exagération ou la caricature peuvent nuire au crédit d’une marionnette déjà très caricaturée par elle-même.
- Jeremy Strong, Sebastian Stan
- © APPRENTICE PRODUCTIONS ONTARIO INC. / PROFILE PRODUCTIONS 2 APS / TAILORED FILMS LTD
The Apprentice déroule ainsi la montée au sommet du business entre ses jeunes années et l’arrivée à l’âge moyen. Il est initié par un juriste absolument terrifiant, qu’il rencontre dans un club privé. Il y a dans cette fiction une mise en écriture d’un personnage qu’aurait pu être Donald Trump dans ses premières années professionnelles. Il aime l’argent et l’affirme avec force. Il n’a peur d’aucune démesure, quitte à salir et de mépriser ses alliés ou ses amis. Même dans sa propre famille, il se conduit comme un misérable, rajoutant de la grossièreté et de la perfidie du personnage. Son goût insatiable des femmes rime avec son rapport troublant à l’argent et au pouvoir. Bref, cet anti-héros capitaliste est très bien écrit. Il offre des perspectives pour comprendre éventuellement ce qui l’a conduit au pouvoir avec, en prime, une intelligence certaine pour tirer des situations à son avantage.
L’intérêt du film ne se situe pas vraiment dans la mise en scène. Ali Abbasi opte un certain académisme là où il y a deux ans, pour Les nuits de Mashaad, il optait en faveur d’une réalisation nerveuse, très stylée, au service de la comédienne Zar Amir Ebrahimi, laquelle d’ailleurs avait été récompensée à Cannes. L’attention du spectateur est toute entière captée par la prestation des deux comédiens principaux, Sebastian Stan dans la peau de Trump et Jeremy Strong dans celle de l’avocat terrible. Ils se donnent le change dans un jeu emprunt de perversité, manipulation et détestation. Rien ne les rend sympathiques, et ils s’adonnent avec beaucoup de brio à incarner des anti-héros sans scrupule, étranglés par le mensonge. La fameuse règle qu’apprend le juriste au jeune Trump pour faire face à la justice résonne comme une illustration à bon escient avec l’actualité du moment où l’ancien président américain affronte des procès à répétition.
- Sebastian Stan
- © APPRENTICE PRODUCTIONS ONTARIO INC. / PROFILE PRODUCTIONS 2 APS / TAILORED FILMS LTD
Qu’Ali Abbasi soit d’origine iranienne n’enlève rien à sa jubilation d’un portrait à charge contre Trump et plus largement une certaine Amérique individualiste, occupée à se gaver sur le dos d’un peuple captif et sans défense. On craint un certain radicalisme de la pensée du réalisateur, mais la présentation qu’il fait de New York aux prémices de l’avènement de Trump montre un état de la société qui tente désespérément de faire valoir le droit des personnes les plus vulnérables. Le cynisme n’est jamais loin d’autant quand il s’agit pour le réalisateur de fustiger le modèle impérialiste américain dont se réclame ouvertement Trump. En ce sens, il s’agit d’un point de vue assez politique qui dépasse les frontières américaines pour peut-être même interroger les relations délétères que le capitalisme financier entretient avec l’économie réelle.
Ali Abbasi offre un film décalé, assez hilarant, dont l’objectif n’est sans doute pas de décrocher la Palme d’or mais de donner à penser la mécanique qui a conduit Trump à devenir l’homme et le président que nous connaissons aujourd’hui. On ne peut pas s’empêcher de penser à ce que l’homme réel doit penser de ce film, à la manière dont il doit fulminer devant cette marionnette assez grotesque, amoureuse de l’argent, du pouvoir et beaucoup d’elle-même.
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