Le poids des non-dits
Le 13 mars 2019
Ognjen Glavonic a réalisé, il y 3 ans, un documentaire sur le génocide commis par les nationalistes serbes. Il semble croire que son public l’a vu avant de découvrir sa première fiction, car la pertinence de celle-ci repose pour beaucoup dans la véracité de ce crime qui ne lui semble plus nécessaire d’introduire.
- Réalisateur : Ognjen Glavonic
- Acteurs : Léon Lucev, Pavle Cemerikic, Tamara Krcunovic
- Genre : Drame, Film de guerre
- Nationalité : Serbe
- Distributeur : Nour Films
- Durée : 1h39mn
- Date de sortie : 13 mars 2019
- Festival : Festival de Cannes 2018, Quinzaine des Réalisateurs 2018
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Résumé : 1999, alors que la Serbie est bombardée par l’OTAN, Vlada travaille comme chauffeur de poids lourds. Dans son camion, il transporte un mystérieux chargement du Kosovo jusqu’à Belgrade et traverse un territoire marqué par la guerre. Lorsque sa tâche sera terminée, il devra rentrer chez lui et vivre avec les conséquences de ses actes.
Notre avis : « Inspiré d’une histoire vraie ». Cette petite indication, lorsqu’elle apparaît en ouverture de film, semble souvent superficielle, voire gratuitement aguicheuse. Pourtant, il est des fois où elle fait défaut. C’est le cas de Teret, dont le carton d’ouverture fait tout de même l’effort de contextualiser son récit en nous faisant un petit rappel des faits, et en particulier les bombardements de l’OTAN que subissait l’ex-Yougoslavie en 1999. Sans en dire beaucoup plus des autres forces en présence. La contextualisation reste donc relativement abstraite pour qui n’a pas vécu cette guerre civile.
Surtout, dès lors que l’on écoute Ognjen Glavonić parler de ce qu’il l’a mené à nous raconter l’histoire de ce camionneur sous les bombes, il apparaît que son point de départ était le témoignage, face à Cour pénale internationale de La Haye, d’un homme qui, en conduisant un poids lourd dont il ignorait le contenu, devint malgré lui le coupable d’un odieux crime contre l’Humanité. Crime que son film n’évoquera jamais concrètement.
- Copyright Nour Films
Pourtant, même si la question de la mission dont est chargé Vlada, et tout ce qu’elle implique, restent floue, le réalisateur parvient à tisser un road movie dans un pays en pleine implosion. Hormis les très beaux paysages captés au cœur des Balkans, cette journée à bord de ce camion nous permet d’observer un peuple qui souffre de ce conflit qui le déchire à ses dépens, et sur lequel il va même essayer de fermer les yeux. L’une des scènes les plus marquantes est d’ailleurs celle d’un mariage, contraint d’être célébré loin de la ville, mais dont les festivités prennent vite le dessus sur sa relative discrétion.
Confiné dans la cabine de son camion, le chauffeur fait notamment la connaissance d’un auto-stoppeur de l’âge de son fils. Leurs échanges deviennent d’ailleurs le cœur du récit, bien plus que l’horreur de la guerre qui opère à l’extérieur. Le regard que ce jeune homme porte sur son pays qu’il cherche à fuir apparaît en effet en rupture avec celui de Vlada, visiblement victime de plusieurs années de propagande nationaliste. Lorsque celui-ci va finalement retrouver son fils, et évoquer avec lui l’héroïsme dont son propre père a fait preuve lors de la Seconde Guerre mondiale, il apparaît que c’est la volonté de cet homme de trouver sa place dans cette nouvelle guerre, qu’il compare à un « jeu vidéo », qui l’a mené à travailler pour des fascistes en plein génocide.
- Copyright Nour Films
C’est donc une peinture assez troublante que Glavonić met au point de la guerre qu’a subie la Yougoslavie il y a 20 ans, puisqu’on y ressent comme omniprésente la peur des batailles dont on ne voit rien. En tant que tout premier film de cette page d’Histoire récente par un Serbe, il s’agit d’un regard intéressant, puisque le sentiment qui, dans les dernières minutes, devient le plus important est celui de la culpabilité. La honte dont fait preuve Vlada après avoir compris que son camion transportait des cadavres, et son malaise lorsqu’il se retrouve face à son fils, annonce à sa manière l’omerta dont souffrent encore aujourd’hui ses compatriotes.
- Copyright Nour Films
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