Tant que le soleil frappe - Philippe Petit - critique

Critique : À l’heure où les municipalités de tous bords prônent l’écologie et la végétalisation de nos villes tout en multipliant sans vergogne la construction d’immeubles, le seule antidote à ce cynisme ambiant pourrait bien se trouver du côté des initiatives individuelles. C’est en tous cas le point de vue de Max, un paysagiste idéaliste qui envisage de transformer une place laissée à l’abandon dans un quartier populaire de Marseille pour proposer à ses habitants un jardin ouvert, un lieu de rencontre sans barrière, un espace où le temps est suspendu. Confronté au manque d’argent autant qu’à la brutalité politique, il comprend vite que le défi s’annonce immense. Pas question néanmoins de renoncer.

Copyright Pyramide distribution

La première désillusion est personnelle. Alors que toutes les chances semblent être réunies, Max et son associé échouent à un concours qui devait leur ouvrir bien des portes. Si son acolyte déclare forfait, Max (le toujours impeccable Swann Arlaud), mû par une inépuisable ténacité, ne renonce pas à son projet d’aménagement urbain, d’autant qu’il reçoit le soutien de Paul Moudenc (Grégoire Oestermann), l’un des membres du jury, un célèbre architecte local qui croit en lui. Proche de la précarité, ayant une famille à charge et conscient que le combat s’annonce long, il accepte un job de jardinier jusqu’à ce que grâce à son ami Moudenc, il se voit confier la tâche d’aménager les espaces verts de la villa d’un célèbre footballeur (Djibril Cissé dans son propre rôle). Une opportunité redorant son blason auprès de la municipalité qui ne manquera pas de chercher à utiliser cette célébrité à son profit.

Copyright Pyramide distribution

À travers ce portrait de doux rêveur auquel Swann Arlaud prête élégamment sa fragilité, le réalisateur Philippe Petit qui dans ces précédents courts métrages et documentaires et tout particulièrement Danger Dave, a déjà abordé la question d’une libre circulation urbaine débarrassée de murs et de frontières, brasse une multitude de thèmes : de l’écologie prise en tenaille entre la réalité économique et la domination politique, à la solidarité confrontée à l’ambition personnelle, en passant par l’apprentissage de la persévérance meilleure conseillère que l’obstination, pour finir par admettre que dans nos économies de marché, l’aspect financier reste encore et toujours le nerf de la guerre.
Si la narration ne manque pas de rythme, ce foisonnement d’idées en éternelle opposition finit par brouiller la compréhension du message d’autant que la mise en scène se complaît dans une gentille torpeur. Et si le scénario ne consentira qu’à nous livrer quelques bribes du passé légèrement trouble de notre héros, juste assez pour éveiller notre faim sans la rassasier, c’est bien la témérité teintée d’une bonne dose de naïveté de ce défricheur sans concession plongé au cœur d’une société de mensonges et de contradictions qui donne toute sa saveur à cette fable moderne.