Le 15 janvier 2020
Un documentaire absolument incroyable, qui décrit la puissance de la création artistique dans un pays, la République démocratique du Congo, encore étranglé par les stigmates d’une guerre tragique.
- Réalisateur : Renaud Barret
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 1h34mn
- Date télé : 8 juillet 2024 23:31
- Chaîne : TV5 Monde
- Date de sortie : 15 janvier 2020
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Résumé : "Système K." comme Kinshasa. Au milieu de l’indescriptible chaos social et politique, une scène contemporaine bouillonnante crée à partir de rien, crie sa colère et rêve de reconnaissance. Malgré le harcèlement des autorités et les difficultés personnelles des artistes, le mouvement envahit la rue et plus rien ne l’arrêtera !
Critique : C’est la nuit. Un mystérieux charriot surmonté de lampes allumées est traîné dans la rue, pendant qu’un homme, déguisé en une sorte de pantin diabolique, circule entre les passants. On est à Kinshasa, cette ville magique et complexe, qui ouvre les portes à la modernité, sur fond de conservatisme religieux et de pauvreté. Le système K consiste à utiliser les objets les plus éclectiques pour créer une œuvre lumineuse, des performances musicales et plastiques qui s’exposent dans les rues de la capitale congolaise. Le groupe de performers va même jusqu’à récupérer des douilles, des machettes, autant de traces d’une guerre civile horrible qui a défiguré à jamais la République démocratique du Congo.
- Copyright Renaud Barret
L’art est une manière de conjurer un destin social fracturé, dans un pays encore hanté par le souvenir de la guerre, freiné dans sa volonté d’émancipation par un pouvoir autoritaire. L’art est la seule façon qu’ont trouvé ces hommes pour se donner une identité, se définir dans un système administratif et politique où la parole est étouffée. Ils se déguisent avec les costumes qu’ils ont fabriqués à partir des détritus ramassés dans la rue, ils haranguent les foules, dansent, jouent de la musique, chantent, font vibrer la liberté dans des avenues épaisses de monde, où chacun peine à identifier sa place. L’Afrique est fascinante. Et pourtant, le cinéaste nous met en garde de ne pas succomber au regard compatissant de l’Occidental amoureux d’un africanisme béat. Ce continent est autant une scène de la violence, de la misère, qu’un théâtre ouvert sur le monde. Système K s’affiche comme un espace de création qui s’accommode du dénuement total et puise dans l’exclusion et le rejet l’occasion de réinventer l’univers.
- Copyright Renaud Barret
La caméra de Renaud Barret semble totalement fondue dans un paysage urbain
qui mêle à l’infini les stigmates du passé et le désir de renouveau. Le cinéaste déroule son récit esthétique et sociologique autour de plusieurs figures artistiques qui composent le groupe de performers, essentiellement des hommes, ce qui est d’ailleurs un peu regrettable. Ils peignent, sculptent, transforment les objets de la modernité en des œuvres éternelles, ils pensent, se dépensent. En fait, ils se cherchent une issue à une existence où même faire reconnaître sa nationalité relève du parcours du combattant. Le cinéma ouvre une porte gigantesque à cet art de la rue qui devient l’emblème d’une revendication à la liberté d’expression. Quand le sens commun assimile l’art à des pratiques de sorcellerie, il faut pouvoir transcender le traumatisme de son récit personnel dans des œuvres originales et éternelles. C’est toute la réussite de ce documentaire qui est autant le résultat d’un travail de cinéaste qu’un musée offert aux spectateurs, qui n’auront jamais eu l’occasion de faire la connaissance avec le système K.
- Copyright Renaud Barret
Le film de Renaud Barret ressuscite l’image oubliée par les médias d’un Congo loin d’être épargné par la sauvagerie assassine de l’État. La privation de liberté émane autant des autorités qui s’efforcent de taire les exactions criminelles commises contre la population, que du peuple lui-même qui se soumet sans aucun recul à l’irrationalité des croyances religieuses, principalement à cause d’un manque d’éducation. Les artistes du système K créent alors, avec leur propre corps comme objet d’art, des opportunités pour les jeunes et les moins jeunes de réfléchir sur la situation sociale et politique de leur pays, prendre conscience d’un impérialisme capitaliste mondialisé qu’ils servent, sans récupérer une part de la richesse produite, tout cela avec le risque de se faire arrêter, voire torturer par la police. Système K est un film urgent, vibrant de sincérité qui rouvre notre mémoire et notre regard sur un pays tout entier, le Congo, loin de la paix retrouvée qu’on aurait tendance à profiler abusivement. Il fait écho aux pages virulentes et exaltées d’un certain Victor Hugo qui, en son temps, invitait à coiffer d’un bonnet rouge le vieux dictionnaire.
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