Les choix de Bruna
Le 22 mars 2023
L’émouvant roman-photo prolétarien qui révéla Valeria Golino.


- Réalisateur : Francesco (Citto) Maselli
- Acteurs : Valeria Golino, Luigi Diberti, Blas Roca-Rey, Gabriella Giorgelli, Livio Panieri
- Genre : Drame, Inédit (salle, vidéo)
- Nationalité : Italien
- Durée : 1h49mn
- Plus d'informations : Le site de l’ANAC
- Festival : Festival de Venise 1986

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– Année de production : 1986
Résumé : À La Fossa, dans la banlieue de Rome, Bruna, dix-huit ans, se lève tous les matins à trois heures et demie pour se rendre en centre-ville où elle travaille dans des équipes d’entretien. Elle rentre en fin de matinée et fait la cuisine pour son père et ses frères avant de repartir travailler dans l’après-midi. Un matin, à l’arrêt de bus, elle rencontre Sergio qui travaille aux Mercati Generali. Entre les deux jeunes gens naît une sympathie qui se transforme rapidement en amour.
Critique : Après Il sospetto (1975), Francesco Maselli (Gli sbandati, 1955 ; I delfini, 1960) avait consacré dix ans à la télévision (Tre operai, 1980, en quatre épisodes), à des documentaires collectifs engagés et à une intense activité d’ordre politique au sein de l’ANAC - Associazione Nazionale Autori Cinematografici.
- Storia d’amore - Maselli 1986
- © ISTITUTO LUCE I.N.C.
Il revenait au cinéma de fiction avec ce roman-photo prolétarien inspiré par les enquêtes menées, en vue d’un des documentaires précités, auprès de jeunes défavorisés mais "normaux" (ni délinquants, ni marginaux, ni drogués) de la périphérie romaine, et créait la surprise au Festival de Venise de 1986 par une fraîcheur de ton et d’inspiration inattendue.
Filmé souvent caméra à l’épaule, au plus près des personnages (par exemple lorsqu’elle accompagne amoureusement le serveur évoluant entre les tables tel un danseur), affichant même parfois un semblant de maladresse un rien apprêtée et non dénuée de coquetterie, monté serré, mais sans risque d’asphyxie, comme sous le coup d’accès de fièvre alternant avec des mouvements plus paisibles, porté par les accords déchirants et mélancoliques d’une entêtante partition signée Giovanna Marini à laquelle se mêlent quelques rengaines de variété, le film prend le contre-pied du cinéma militant comme du naturalisme complaisant à la Brutti, sporchi e cattivi (Affreux, sales et méchants, Scola 1976).
- Storia d’amore - Maselli 1986
- © ISTITUTO LUCE I.N.C.
Sans peur des critiques prévisibles (romantisme de la misère, idéalisation naïve, sentimentalisme, intentions à la fois confuses et trop visibles) Maselli opte pour l’empathie, choisissant de révéler la beauté morale et physique, en un mot la grâce de tous ses personnages, et même pour une certaine poétisation du réel (le saisissant ocre romain d’une usine désaffectée), tout en évitant, à notre avis, l’émotion facile et la démonstration.
- Storia d’amore - Maselli 1986
- © ISTITUTO LUCE I.N.C.
La Bruna de Valeria Golino, dont c’est le premier grand rôle, couronné d’un prix vénitien, est animée d’une énergie confiante et d’une franchise qui en font une figure inoubliable.
Observée à la juste distance par un cinéaste qui ne cherche pas forcer l’intimité du personnage ni à l’instrumentaliser, l’actrice réussit à faire comprendre le geste final de l’héroïne qui se laisse tomber dans le vide sans le charger d’une interprétation réductrice.
Cette séquence de suicide accidentel (au sens de pas inévitable), au soleil, rythmé par les coups de marteaux d’un ouvrier travaillant sur le toit voisin, est d’une incroyable légèreté, presque joyeuse et d’autant plus poignante, à l’image de l’ensemble de ce film limpide et mystérieux dont le lyrisme discret bouleverse sans avoir besoin de sortir le grand jeu.
– Lion d’argent (Grand Prix du Jury) et Prix d’interprétation féminine pour Valeria Golino au Festival de Venise 1986.
– Sortie en Italie : 5 septembre 1986