Lumière d’automne sur le Po
Le 4 mai 2016
Le premier long métrage de Citto Maselli aborde la question des choix dans l’Italie de 1943 avec une pertinence politique qui échappe largement à la rhétorique et capte la lumière d’automne dans la plaine du Po avec un sens atmosphérique exceptionnel.
- Réalisateur : Francesco (Citto) Maselli
- Acteurs : Terence Hill (Mario Girotti), Lucia Bosè, Marco Guglielmi, Isa Miranda, Jean-Pierre Mocky, Goliarda Sapienza, Antonio de Teffè (Anthony Steffen), Leonardo Botta, Ivy Nicholson
- Genre : Drame, Historique, Politique, Noir et blanc
- Nationalité : Italien
- Durée : 1h18mn
- Reprise: 4 mai 2016
- Titre original : Titres provisoires : "Quando l'estate finì", puis "Fine d'estate"
- Date de sortie : 31 décembre 1955
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Résumé : En 1943, la comtesse Luisa, son fils Andrea, son neveu Carlo, fils d’un dirigeant fasciste, et Ferrucio, un ami de la famille, ont quitté Milan pour échapper aux bombardements et se sont réfugiés dans une villa à la campagne. Contre l’avis de sa mère, Andrea accepte d’héberger dans la propriété quelques sans-abris, dont la jeune ouvrière Lucia.
Critique : Formant avec I delfini (1960) et Gli indifferenti (1964, d’après le roman de Moravia) une trilogie consacrée à la jeunesse dorée incapable de se libérer de l’emprise du monde clos de la grande bourgeoisie, Gli sbandati est le premier long métrage de Francesco (Citto) Maselli, âgé alors d’à peine vingt-quatre ans. Auparavant celui-ci avait été l’assistant d’Antonioni et de Visconti et réalisé des courts métrages documentaires (dont Storia di Caterina, épisode de Amore in città).
Aborder les thèmes du fascisme, de la collaboration avec les Allemands et de la résistance n’allait pas de soi dans l’Italie des années de la guerre froide où la censure démocrate-chrétienne se montrait intraitable à l’égard de tout ce qui pouvait sembler "de gauche" et en particulier envers le groupe des aristocrates communistes entourant Visconti.
Pour échapper aux tracasseries et aux empêchements prévisibles, Maselli et ses collaborateurs ont tourné Gli sbandati à l’automne 1954, presque clandestinement, en production propre, dans la villa Toscanini aux environs de Crema.
Ces conditions de tournage leur ont permis d’adopter une liberté de ton qui n’est que partiellement perceptible au niveau du produit fini, nombre d’aspérités contenues dans le scénario d’Eriprando Visconti, Aggeo Savioli et Maselli ayant été émoussées au moment du doublage pour éviter préventivement la censure.
Le résultat ne manque cependant pas de vigueur ni de pertinence, même si une légère raideur démonstrative pointe le nez ici et là, notamment en ce qui concerne le personnage un brin caricatural du "traître" Ferrucio joué par Leonardo Botta, qui aurait gagné à être plus développé.
Le film convainc néanmoins par un véritable souci d’observation documentaire précise, le refus de la simplification excessive et la justesse d’une interprétation évitant l’emphase. Mais c’est aussi la frémissante beauté visuelle des compositions "en tableau" et l’exceptionnelle sensibilité atmosphérique avec laquelle la photographie de Gianni di Venanzo capte la lumière d’automne dans la plaine du Po qui permettent à l’ensemble de toucher juste et d’atteindre une vérité qui dépasse la rhétorique du discours véhiculé par le scénario.
Pour la petite histoire, le film est aussi resté célèbre en raison de la présence, devant la caméra ou du moins sur le plateau, de huit futurs réalisateurs dont Jean-Pierre Mocky, Giuliano Montaldo et Eriprando Visconti. On relèvera aussi la présence, dans le rôle du jeune soldat blessé, de Mario Girotti, futur Terence Hill, qui avait débuté au cinéma dès 1951 mais n’aura son premier rôle de protagoniste que quelques mois plus tard dans La vena d’oro de Mauro Bolognini. Par ailleurs, si la plupart des acteurs se doublent eux-mêmes, ce n’est pas le cas d’Isa Miranda et Lucia Bosè. Maselli a en effet estimé que la voix de la première était trop "populaire", trop immédiatement chargée d’émotions pour traduire la froideur, le contrôle de soi jamais pris en défaut de la comtesse. Quant à la Bosè, il semble que ce choix de doublage lui ait coûté un prix d’interprétation à Venise amplement mérité et qui paraissait pourtant assuré après la projection au cours de laquelle son regard dans sa dernière scène avait soulevé des applaudissements spontanés dans la salle.
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