Le 21 janvier 2024
Si le portrait de cette femme passée du statut de victime à celui de criminelle de guerre est stupéfiant, la mise en scène parfois tapageuse nuit à la gravité du propos.
- Réalisateur : Kilian Riedhof
- Acteurs : Katja Riemann, Paula Beer, Joel Basman, Damian Hardung, Jannis Niewöhner , Lukas Miko, Bekim Latifi, Gerdy Zint
- Genre : Drame, Biopic, Film de guerre
- Nationalité : Allemand
- Distributeur : Kinovista
- Durée : 2h01mn
- Titre original : Stella. Ein Leben.
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 17 janvier 2024
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Résumé : Stella grandit à Berlin sous le régime nazi. Elle rêve d’une carrière de chanteuse de jazz, malgré toutes les mesures répressives. Finalement contrainte de se cacher avec ses parents en 1944, elle voit sa vie se transformer en une tragédie coupable. Inspiré de la véritable histoire de Stella Goldschlag.
Critique : Elle est jeune, jolie, blonde comme les blés diraient les poètes, elle chante, mais elle est aussi juive dans une période où les nazis installés au pouvoir organisaient la plus grande barbarie de l’Histoire. Stella Goldschlag est une anti-héroïne absolue, portée par une comédienne, Paula Beer, époustouflante. Elle incarne avec tact et sincérité cette chanteuse de jazz, pétrie d’ambition, qui n’a pas froid aux yeux dans le seul but de sauver sa carrière et sa peau. Stella, une vie allemande constitue une œuvre nécessaire pour appréhender la complexité de la période nazie en Europe, où personne ne pouvait nier le drame immense qui se jouait dans les camps de la mort, mais où beaucoup étaient occupés à se cacher, se taire et même couvrir l’horreur. Le film raconte ainsi la cruauté d’une période où le fait politique était si mince par rapport à l’épouvante de l’antisémitisme. Stella est la synthèse de cette complexité, passant du statut de victime juive, à celle de trafiquante de faux papiers, jusqu’à celle de complice de la disparition de ses pairs. Certes, on peut juger de notre fauteuil de cinéma, mais en vérité, la mise en cause gratuite et sans nuance demeure difficile.
- Copyright Majestic/Christian Schulz
Kilian Riedhof est un réalisateur prolixe, capable de passer du cinéma à la télévision avec facilité. Il dresse un portrait intense, quasi romanesque d’une jeune femme entravée par son égoïsme et sans doute sa névrose. Et c’est là justement où le bât blesse : le fait d’avoir écrit un portrait détaché de la froideur historique et privilégiant le romantisme suranné. La mise en scène faillit à une sorte de complaisance douteuse, à coup de musiques symphoniques, d’un montage effréné et d’une intensification narrative. Il arrive même que le spectateur perde le fil du récit, avec ces multiples personnages et la rapidité avec laquelle le cinéaste bat le rythme. La recherche de l’émotion et de l’aventure à tout prix est un choix de mise en scène louable, mais qui prend le pas sur la tension politique et éthique du personnage principal.
- Copyright Majestic/Christian Schulz
Nous voilà donc devant un biopic fleuve qui souffre des pesanteurs d’un romantisme excessif. Le réalisateur aurait pu se contenter d’une lecture clinique de cette femme complexe, écartelée entre le désir juste de sauver sa vie et celle de sa famille, et sa détermination hideuse à donner raison à la barbarie nazie. Certaines scènes comme celle où elle dit adieu à ses parents emmenés en train vers un camp de travail, nuisent à la puissance du propos, privilégiant le drame et les pleurs, à la cruauté psychopathique d’une part du contexte politique de l’Allemagne, d’autre part de la protagoniste elle-même. On ressort tout de même bouleversé par ce destin terrible, avec en tête, la nécessité de se souvenir toujours du pire dont l’humanité peut être capable. Le générique de fin cite d’ailleurs la parole d’un homme qui a survécu aux camps, et nous dit que nous sommes pas responsables du passé mais de notre inertie devant la répétition des évènements tragiques. Le mot est dit, et inévitablement, on pense aux tragédies humanitaires qui n’ont jamais cessé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
- Copyright Majestic/Christian Schulz
Stella, une vie allemande est une œuvre intense qui reste longtemps dans la tête, tant le propos hélas n’a de cesse de se répéter encore aujourd’hui. Pour autant, on aurait aspiré à une mise en scène plus dépouillée, moins baroque, pour apprécier la profondeur politique du récit.
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