Le 9 octobre 2018
Méconnu et presque oublié, ce film « mineur » de Ford va du sourire aux larmes avec la même grâce.
- Réalisateur : John Ford
- Acteurs : Eugene Pallette, Anne Shirley, Will Rogers, Berton Churchill, Irvin S. Cobb
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Twentieth Century Fox France
- Durée : 1h21mn
- Date de sortie : 8 novembre 1972
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– Année de production : 1935
Résumé : Alors que le neveu du docteur John Pearly doit le rejoindre pour naviguer sur le Mississipi dans un vieux steamer, il est arrêté pour le meurtre d’un homme qui l’empêchait de partir avec Fleety Belle, dont il veut faire sa femme. Le jeune homme est condamné à la pendaison. Le docteur va alors tout tenter pour sauver son neveu.
Notre avis : La postérité est parfois curieuse : quand John Ford tourne Le mouchard, il est acclamé ; la même année, il réalise ce petit film dont le titre n’est même pas traduit en français et qui passe inaperçu. Aujourd’hui, le premier nous semble grandiloquent alors que Steamboat round the bend, dans sa simplicité et sa gouaille, a mieux résisté et fait partie de ces œuvres sous-estimées ou ignorées dont on ne saurait assez recommander la vision.
- © Fox Film Corporation. Tous droits réservés.
Le scénario est des plus limités : John, le vieil oncle roublard, veut sauver son neveu accusé de meurtre ; pour ce faire, il doit retrouver le seul témoin, un prédicateur caricatural nommé « le nouveau Moïse », avec l’aide de la jeune fiancée, Fleety Belle, et d’un vieux rafiot. Mais de ces éléments de base Dudley Nichols, le scénariste, tire le meilleur, entremêlant différents tons (du burlesque au drame, de la comédie sentimentale au récit d’aventures) sans jamais s’appesantir. On n’aura ainsi pas de scène larmoyante ou de réflexion sur la justice : le procès est traité en une audacieuse ellipse. Et pourtant, dans ce film ramassé, Ford prend son temps, multiplie les séquences apparemment anodines, offre des plans superbes à la jeune Anne Shirley (les quelques secondes ou elle regarde le fleuve à l’avant du bateau sont de toute beauté), bref, semble adopter un tempo nonchalant qui mine constamment le drame de la condamnation à mort. Or, chaque détail semé comme par inadvertance va revenir pour jouer un rôle majeur dans l’avancée de la narration : Le « médicament » miracle que John vend servira de combustible au bateau, comme le musée de cire incongru ; la course annoncée en passant deviendra le morceau de bravoure (royalement mené) de la fin ; la transformation de deux statues permettra de faire stopper des personnages souhaitant détruire l’embarcation. Encore ne sont-ce là que quelques exemples, auxquels on pourrait ajouter les échos et reprises qui densifient cette histoire ; ainsi la statue de la baleine cache-t-elle un noir nommé Jonas, qui trouvera un équivalent avec le prédicateur plongé contre son gré dans le fleuve.
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Ce modèle de construction bénéficie d’un cadre singulier, le Mississipi de la fin du dix-neuvième siècle et tous les clichés qui lui sont attachés, mais aussi du regard bienveillant que Ford porte sur ses personnages : on a beau chercher, il n’y a pas dans Steamboat round the bend de vrai méchant ; le shérif patelin aimerait sauver le neveu, et les deux groupes menaçants sont vite désarmés. Au contraire, même s’ils sont naïfs au point de se ruer sur le médicament miracle ou de vouloir détruire un bateau sous prétexte qu’on y écoute de la musique, les gens sont pétris de bonnes intentions et leur agressivité tient de la farce plus que de la mauvaise intention.
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Ford décrit avec tendresse un monde empreint de religion, qu’elle soit sincère ou délirante, celle des petites gens à la mentalité droite. Là comme ailleurs, le cinéaste exalte des valeurs simples, un monde où la bonne volonté fait des miracles. On le sent attentif à ces moments fugaces qui révèlent l’âme humaine dans ce qu’elle a de meilleur : la simple beauté d’un prisonnier jouant de la scie musicale donne une séquence particulièrement émouvante. C’est que jamais Ford ne se moque : il sourit mais ne ricane pas. Si son tableau n’est pas idyllique (on ne peut que remarquer aujourd’hui la ségrégation dans la prison, et le récit repose tout de même sur la possibilité d’une pendaison), le film témoigne d’une foi en l’homme, simple jusqu’à l’épure, pas encore teintée de l’amertume qui marquera l’œuvre tardive, et qui lui donne un indéniable charme intemporel.
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