Cavale masquée
Le 22 décembre 2020
Ami des bonnes causes et des indépendants fauchés, dieu des écolos indignés, des cinéphiles ménopausées et des démocrates confirmés, Robert Redford se sait inattaquable, et va donc achever sa vie d’irréprochable totem du cinéma convenable en faisant le même film tous les trois ans.
- Réalisateur : Robert Redford
- Acteurs : Susan Sarandon, Nick Nolte, Robert Redford , Stanley Tucci, Shia LaBeouf
- Genre : Thriller
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Société nouvelle de distribution (SND)
- Durée : 2h01mn
- Date télé : 22 décembre 2020 21:06
- Chaîne : L'Equipe
- Titre original : The Company You Keep
- Date de sortie : 8 mai 2013
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Résumé : En 1969, un groupe de militants radicaux appelés Weather Underground revendique une vague d’attentats aux Etats-Unis pour protester contre la guerre du Vietnam. La plupart de ses membres furent emprisonnés, mais quelques-uns disparurent sans laisser de trace… Jusqu’à aujourd’hui. L’arrestation de Sharon Solarz, l’une des activistes, remet cette affaire sur le devant de la scène, au point d’attiser la curiosité du jeune et ambitieux reporter Ben Schulberg. Jouant de ses relations au FBI, il rassemble petit à petit les pièces du puzzle, le menant jusqu’à Jim Grant, un avocat apparemment sans histoires… Lorsque celui-ci disparait brusquement, le journaliste se lance sur sa piste, déterminé à le retrouver avant le FBI.
Critique : On pourrait dire un certain nombre de choses sur ce Sous surveillance, qu’il s’agit par exemple d’un manifeste de cinéma rétrograde, d’une ode arthritique aux fossiles dérivants, ou d’un récit de cavale prémonitoire, lancé comme un avertissement à tous ceux qui chercheront à enfermer Redford dans un hospice, quand le dernier thriller du pape de Sundance est avant tout une synthèse, celle d’un homme de 76 ans arrêté sur le bas côté d’une filmographie dont les hauts faits restent des sommets d’héroïsme politique, et bien décidé à faire demi-tour – au mépris du sens de circulation – pour retourner se vautrer dans le cinéma de papa, et ainsi répondre à l’appel d’une impérieuse matrice seventies.
Creusant sous son époque, Redford confie à Shia LaBeouf le rôle d’un reporter obsessionnel qui n’est ni plus ni moins que le descendant abâtardi du Bob Woodward incarné par Sa Majesté Robert dans Les Hommes du Président, et s’adjuge celui d’un fugitif que notre esprit malade a du mal à imaginer autrement qu’en décalque grabataire du fringant rapace des Trois jours du Condor, incapable de monter dans une voiture sans exiger une doublure, ou de balbutier le moindre sprint sans friser l’AVC. D’ailleurs, Robert ne court plus, il trottine élégamment, mais sème tout de même le FBI, et s’invite chez chacun de ses anciens complices pour rétablir une vérité après laquelle LaBeouf (la barbe crayonnée pour faire workaholic négligé) court parallèlement, mais en doublant également un Federal Bureau Investigation qui ne sait décidément pas à qui il a affaire (un gamin carriériste et un avocat pré-retraité donc).
Fondamentalement schizophrène, Sous surveillance se scinde dès le véritable coup d’envoi narratif (le début de la « course-poursuite ») en deux films inconciliables. D’un côté : un hommage fantasmatique et velléitaire au cinéma réaliste des années 70, militant pour la toute puissance du récit, les dialogues à rallonge ou les personnages à triple fond, et cherchant à capturer, à travers les parcours croisés des endurcis, des repentis et des jeunes loups, tout ce qui fait l’ambigüité et l’héritage paradoxal des activistes politiques.
Mais de l’autre côté du projet, celui de l’écran, se dresse une purge arythmique et transparente, criblée d’ambitions accidentées, de mystères éventés une heure trop tôt, de conversations mal taillées ou trop didactiques, de dispersions scénaristiques superflues, de sermons hermétiques sur l’intégrité morale dispensés à l’élève LeBeouf par un Redford quasi christique (qui ne pouvait visiblement pas se résoudre à jouer ne serait-ce qu’un type ambivalent) et enfin de personnages invraisemblables, embourbés dans des contradictions excitantes mais traitées par-dessus le script (conspuer le manque de courage et/ou de conscience politique de la jeunesse Facebook depuis une tanière de WASP embourgeoisé, c’est rigolo et ça méritait d’être approfondi).
Deux ans après La Conspiration, Redford persévère donc en déambulateur, et sans flamme intérieure pour s’éclairer, dans une voie qui exigera toujours plus qu’un humanisme fatigué et une incertitude de vieux militant revenu de tout pour arriver à ses fins. Rendez-vous pour Captain America, Robert, et tâchez de revenir avec un message lisible la prochaine fois.
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