Escale d’été : océan Indien
Le 14 août 2002
Un rêve fou à Maurice...
- Auteur : Ananda Devi
- Collection : Continents noirs
- Editeur : Gallimard
- Genre : Roman & fiction
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Une chaleur étouffante, de la poussière soulevée par un vent incessant, une terre hostile à la vie et la mer à perte de vue. Avec ce sixième roman, l’écrivain francophone Ananda Devi, née à Trois-Boutiques sur l’île Maurice, nous invite à partager le quotidien d’une poignée d’hommes et de femmes poussés par un rêve fou : vivre, et cultiver la ganja.
Port Mathurin, un village sur l’île Rodrigues, à quelques vagues de l’archipel de Maurice. Il n’y a rien à faire, rien à espérer, rien à vivre à Port Mathurin. Seul le vent passe ; un vent impitoyable qui dessèche les gens de l’intérieur. Même le temps semble en suspens ; il n’y a pas d’avenir possible. Plus d’espoir.
Les cyclones et les catastrophes qui rythment les semaines n’ébranlent plus personne. Les gens d’ici ont trop peu de biens pour souffrir de leur perte. Les tempêtes deviennent presque des moments de gaieté ; chacun peut encore plaisanter sur ce sort qui s’acharne.
Et puis, surtout, peut-être qu’après tout sera encore possible. Quand tout va mal, on ne peut espérer qu’un retour plus heureux des choses. Ou bien on peut le provoquer.
Alors quand Ferblanc parle d’aller s’installer à Soupir, un lieu-dit à l’intérieur des terres, tous ont une bonne raison de vouloir partir. Peut-être que là-bas, leur destin ne va plus leur filer entre les doigts. Ils cultiveront la ganja, et ils seront riches en la revendant aux touristes de l’île voisine.
Ailleurs, la vie est meilleure. C’est certain.
Peut-être, mais peut-être pas non plus. A Soupir, le vent souffle toujours. Plus fort encore. Une odeur de mort plombe l’air. On se demande si la vie pourrait encore se réveiller ici. Mais ça, pour le moment, ils l’ignorent.
La procession à Soupir se change peu à peu en un bouquet d’anecdotes sur ces gens qui rêvent de l’Ailleurs.
Le narrateur, Patrice l’Eclairé, relate les secrets de chacun de ses compagnons de route. Ferblanc, Bertrand Laborieux, Royal Palm, Noëlla, Marivonne, Corinne et Louis, Constance et les autres. Il dévoile leurs secrets, leurs actes manqués aussi.
A chaque phrase, à chaque révélation on sent tout le tragique de ces destins liés les uns aux autres par une étrange filiation. Celle qui unit sans doute tous les hommes de Rodrigues. Chaque mot semble choisi pour illustrer cette union inaltérable. Page à page, se dessine une galerie de personnages touchants tant leur destin semble leur échapper, tant ils paraissent déracinés.
La magie du récit, son exotisme, vient aussi de cette écriture si singulière. Un langage sobre, métissé de créole, restitue la violence de ce monde de misère où se mêlent étroitement rêverie et folie. D’emblée, la tonalité est donnée ; elle est pesante. Comme l’est la vie sur cette île étouffante. L’écriture poétique transporte le lecteur dans un ailleurs que seule la littérature peut lui offrir. Ecrivain de la fêlure, de l’émotion retenue, Ananda Devi signe une invitation au voyage dans les tréfonds d’une parcelle d’humanité à la dérive.
Ananda Devi, Soupir, Gallimard, coll. "Continents noirs", 2002, 232 pages, 16,50 €
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