Le 20 octobre 2020
À 82 ans, Ken Loach réussit à parfaitement dessiner les évolutions libérales du marché du travail et leurs dérives aliénantes. Il en profite également pour dépeindre un portrait de ses contemporains avec la justesse dont il a le secret.
- Réalisateur : Ken Loach
- Acteurs : Kris Hitchen, Debbie Honeywood, Rhys Stone , Katie Proctor, Dave Turner
- Genre : Drame social
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 1h47mn
- Date télé : 8 février 2024 21:00
- Chaîne : OCS Pulp
- Date de sortie : 23 octobre 2019
- Festival : Festival de Cannes 2019
Résumé : Ricky, Abby et leurs deux enfants vivent à Newcastle. Leur famille est soudée et les parents travaillent dur. Alors qu’Abby travaille avec dévouement pour des personnes âgées à domicile, Ricky enchaîne les jobs mal payés ; ils réalisent que jamais ils ne pourront devenir indépendants ni propriétaires de leur maison. C’est maintenant ou jamais ! Une réelle opportunité semble leur être offerte par la révolution numérique : Abby vend alors sa voiture pour que Ricky puisse acheter une camionnette afin de devenir chauffeur-livreur à son compte. Mais les dérives de ce nouveau monde moderne auront des répercussions majeures sur toute la famille…
Critique : Déjà lauréat de deux Palmes d’Or, c’est avec l’histoire d’une famille en pleine dislocation que Ken Loach est revenu cette année concourir à Cannes. Bien entendu, son approche d’une chronique familiale se fait moins sur le ton mélodramatique conventionnel que via le prisme de ses thématiques sociales favorites. Le spectateur n’est d’ailleurs pas pris au dépourvu puisque Sorry, we Missed You s’ouvre sur un entretien d’embauche. Ainsi, à l’inverse de Daniel Blake, le rôle-titre de son précédent film, Ricky Turner ne va pas devoir affronter une perte d’emploi mais bien l’acquisition d’un nouveau job. Il est dès lors d’autant plus intéressant de découvrir comment le cinéaste parvient à faire de ce point de départ, à priori positif, la source d’une série d’ennuis, voir même d’un cercle vicieux tout aussi destructeur que les situations qu’il avait déjà pu croqué au cours de sa carrière.
- Copyright Joss Barratt
Les compromis que Ricky et sa femme Abbie doivent faire pour cumuler deux emplois et ainsi rembourser leurs dettes et nourrir leurs enfants, en dit long sur le regard que Loach porte sur le marché du travail actuel. Soit, comment, sous couvert d’un semblant de liberté, les employeurs ne font que renforcer la précarité, et donc l’asservissement, de leurs salariés. C’est tout un système qui se voit pointer du doigt à travers les conditions de travail au demeurant inhumaines des deux personnages : le système UBER. Ainsi, il apparait que Ken Loach a parfaitement su moderniser son regard sur le sujet depuis Riff-Raff qui, en 1991, dénonçait déjà la façon dont le patronat imposait sa mainmise sur la classe ouvrière. Les acquis sociaux que le prolétariat croyaient avoir acquis depuis n’étaient alors qu’une vaste fumisterie.
- Copyright Joss Barratt
L’autre sujet de prédilection de Loach reste la jeunesse, et on le ressent dans le travail qu’il opère dans la représentation des relations chaotiques entre Ricky et Seb, son fils de 16 ans. En pleine crise d’adolescence, le gamin en arrive à ébranler le socle familial. La grande problématique du film est alors de s’interroger sur le fait que les difficultés que traversent les Turner sont bien la conséquence de la précarité économique à laquelle ils sont confrontés. Le fait que leurs conflits internes viennent souvent du comportement de ce fils qui se sent délaissé, leurs difficultés financières apparaitront au final comme un ciment qui viendra renforcer leur solidarité. Ainsi, Ken Loach nous démontre à sa façon que même si l’ultralibéralisme a rendu le marché du travail toujours plus contraignant, la priorité doit rester la famille, qui reste un élément bien plus difficile à gérer qu’il n’y paraît. Sans atteindre la virulence politique d’un It’s a Free World ni la délicatesse d’un Sweet Sixteen, le cinéaste de 82 ans signe une œuvre touchante et surtout qui sait allier des thématiques universelles à un contexte parfaitement contemporain.
- Copyright Joss Barratt
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Lichtenberg 29 octobre 2019
Sorry, We Missed You - Ken Loach - critique
Très bon film. Une petite réserve sur le traitement trop lourdement chargé de la critique sociale. C’est d’ailleurs ce qui fait qu’il n’atteint pas le niveau de son chef-d’œuvre : "Moi, Daniel Blake". Mais il dit quand même combien notre monde actuel est détraqué et aiguise notre jugement pour le monde qui vient. Haut les cœurs !
ceciloule 29 octobre 2020
Sorry, We Missed You - Ken Loach - critique
Touchant, oui, c’est vrai, même si le film tend drôlement vers le documentaire sombre. D’ailleurs, c’est amusant de voir que sur les trois photographies illustrant la critique, deux sont très lumineuses alors que c’est une réalisation noire où l’espoir se fait si rare... (j’en parle plus longuement ici : https://pamolico.wordpress.com/2020/10/29/sorry-we-missed-you-ken-loach/)