Cris & chuchotements
Le 4 septembre 2011
Chorégraphié par une Meg Stuart inspirée, le dernier opus de Pierre Coulibeuf traite de l’incommunicabilité. Le résultat est déconcertant !


- Réalisateur : Pierre Coulibeuf
- Acteur : Meg Stuart
- Genre : Expérimental
- Nationalité : Français
- Date de sortie : 5 avril 2006

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Chorégraphié par une Meg Stuart inspirée, le dernier opus de Pierre Coulibeuf traite de l’incommunicabilité. Le résultat est déconcertant !
Le cinéma expérimental est un monde à part, tout comme le western et la comédie musicale. La seule différence qui émane de ces trois genres cinématographiques réside dans la construction narrative. Dans Somewhere in between, film expérimental, il n’y a aucun repère scénaristique, aucune fluidité dans la narration et aucune composition théâtrale dans le sens classique du terme. Ce film n’en est pas pour autant un ovni. Déjà dans les expériences de Warhol ou Brakhage, on pouvait s’en donner à cœur joie dans le concept du vide ! En France, avec un cinéaste tel que Grandrieux (on pense au remarquable Sombre), l’étude des figures devenait fascinante car l’explosion des sentiments en était l’attrait principal. En somme, le cinéma est présent lorsque l’émotion est réelle. Or, Somewhere in between déborde d’émotion !
Mise en scène par Pierre Coulibeuf, un habitué des vidéos sur l’art contemporain, cette œuvre est un traité des sentiments. Sur une chorégraphie assez dense de Meg Stuart (danseuse de formation), le film s’oriente vers une matière fantaisiste et angoissante à la fois. Une sorte de retranscription de scènes de la vie quotidienne, assez proche de nos expériences personnelles. Ces séquences, pour la plupart de durées et de qualités inégales, traduisent principalement un mal-être d’une société (la nôtre ?) en pleine décomposition. Plus le film avance dans cette perspective, plus les personnages sont précisés : la désagrégation d’un couple donne lieu à une effusion de gestes spectaculaires ; une jeune femme ancrée dans une profonde solitude s’enfonce dans un long processus de déchéance (remarquable ballet de la danseuse qui avance à reculons) ; une autre essaie tant bien que mal de prendre la décision de sa vie (partir ou rester), ce qui donne des allers-retours répétitifs dans différents lieux.
En plus des thèmes cités, Coulibeuf et Stuart se permettent de redéfinir la notion de danse au cinéma. S’agit-il simplement d’une suite périlleuse de farandoles exacerbées ou alors d’une réflexion assez juste sur la définition du cinéma ? Et c’est dans cette problématique, dans cette folie visuelle que le film prend ses marques, qu’il nous mène très loin vers un horizon magique où le rêve, l’idée de révolte mais aussi de modernisme viennent nous sensibiliser.
Somewhere in between est une œuvre audacieuse, assez complexe car difficile d’accès pour un public qui risquerait d’être dérouté par l’illogisme des faits et gestes des comédiens, par la rudesse des propos du cinéaste et surtout par l’absence de scénario. Néanmoins, il ne faut pas que cela devienne un problème, car il faut savoir faire des concessions pour apprécier une œuvre intelligente !