Le 31 janvier 2024
Monté comme un bon thriller, à la formule oscillant entre prouvée et éprouvée, Au contact dénote autant d’un savoir-faire indéniable que d’une prise de risque limitée.
- Réalisateurs : Killian Connolly - Martin Conway - James Gay-Rees - Rafa Pereira - Joe Softley
- Genre : Documentaire, Film de sport
- Nationalité : Britannique
- : Netflix
- VOD : Netflix
- Titre original : Six Nations: Full Contact
- Date de sortie : 24 janvier 2024
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Résumé : Au cours du Tournoi des VI Nations 2023, les caméras de Netflix suivent les équipes engagées dans la lutte pour le précieux sésame.
Critique : À l’approche du prestigieux Tournoi des VI Nations, compétition ancestrale qui voit s’affronter les meilleures équipes du Vieux continent chaque année, les instances du rugby mondial établissent un constat simple mais inéluctable : le rugby, s’il demeure très populaire parmi les spectateurs déjà conquis, souffre d’une crise de croissance – largement alimentée par le manque d’ouverture desdites instances – et peine à renouveler sa base de fans. Ils sont jugés de plus en plus vieux, et semblent provenir souvent des mêmes pays. Dans une démarche de modernisation de l’image d’un sport attaché à ses valeurs mais qui ne craint pas d’évoluer, la stratégie est claire : faire entrer le rugby dans une autre dimension auprès du grand public. Voyant le succès colossal de Drive to Survive, série documentaire portant sur la Formule 1, et son impact substantiel dans le renouvellement de l’appétit du public pour ce sport, le petit monde du rugby s’engouffre dans la brèche, espérant un résultat similaire.
L’on pourrait arguer que la démarche est grossière, que les instances ne cherchent rien d’autre qu’une opération de communication avant sa vitrine annuelle. Certes, mais cela n’empêche ni la qualité, ni le savoir-faire. Car les équipes de Netflix, dès le premier épisode qui met en exergue le fantasque Finn Russell, conducteur du jeu écossais, assument deux partis pris : spectacularisation et scénarisation. La formule de chaque épisode – huit au total – est rodée et efficace. Un à deux joueurs de l’équipe mise en avant se trouvent sur le devant de la scène, et l’on suit son histoire au-delà du rugby. Puis les inévitables entraînements, moments de vestiaires, qui conduisent comme dans tout bon scénario au climax : le match, auquel on aura au préalable donné un maximum d’enjeux, au risque de la superficialité.
- © 2024 Netflix, Inc.
Passée la déception du puriste de n’avoir guère de considération tactique à savourer, alors que ce sport s’apparente à une partie d’échecs géante, arrive la jouissance du spectateur ravi d’avoir un peu de pop-corn sous le bras. Les joueurs mis en lumière se livrent dans des proportions surprenantes, se trouvant ainsi humanisés… et caractérisés comme tout bon personnage. Andrew Porter, par exemple, éminent pilier du XV irlandais, accepte de revenir sur ses déboires psychologiques, et Sebastian Negri sur son enfance au Zimbabwe, territoire fui au moment de la reprise des fermes tenues par les Blancs. On les retrouve sur le terrain, à grands renforts d’effets sonores de blockbusters et de montage ultra dynamique. Et on se laisse prendre au jeu : les orchestrateurs de cette belle machine marketing savent décidément manier la tension mieux que quiconque, et faire de l’édition 2023 du Tournoi… une série télévisée. Les phases de jeu manquent parfois de continuité, certes, et l’honnêteté oblige à dire qu’on ne voit rien ici, au cours des matchs, qu’on ne voit pas en direct à la télévision. L’intérêt de la série réside plutôt dans la montée en intensité jusqu’au match, et les parcours des héros, puisqu’ils sont ainsi présentés.
Le documentaire n’occulte pas non plus la dimension sociale du rugby. Avec l’exemple d’Ellis Genge, capitaine du XV de la Rose rossée à Twickenham en 2023 par nos Bleus, le documentaire s’attache à montrer combien ce sport a une connotation sociale marquée. Il nous pousse à s’attacher à Genge et son parcours cabossé, comme à quelques autres figures du rugby majeures, comme les susmentionnées. Et souffre donc d’une contradiction : starifier quelques-uns tout en leur faisant dire que si, si, c’est bien un sport d’équipe. Ce paradoxe résulte presque de l’entreprise elle-même. Autre limite : on cherchera en vain dans le discours des joueurs la moindre aspérité. Le rugby tient à son image de marque.
- © 2024 Netflix, Inc.
Mais la passion coule de chaque intervention, notamment les saillies philosophico-tactiques de notre cher sélectionneur Fabien Galthié, et nos personnages ainsi présentés nous conduisent à voir les matchs un peu différemment. S’ils ne nous rendent pas non plus les joueurs anglais sympathiques – nul n’est magicien – les auteurs de la série accouchent d’une tension dramatique à laquelle peu échapperont.
Si le connaisseur est en droit d’en attendre plus – rien qu’il ne sache déjà ne transpire de Au contact -, et que le néophyte absolu pourrait être un peu perdu, tant les explications techniques et tactiques sont rares, il est à parier que tous les profils entre les deux, une majorité, auront de quoi se régaler.
In fine, la démarche aboutit à l’objectif ultime : iconiser le Tournoi des VI Nations, et chasser un nouveau public qui, à défaut d’allumer la télé pour tous les matchs, regardera peut-être Netflix pour un bon thriller. Il aura bien raison. Avec un peu de chance, il n’aura pas besoin de Netflix, l’année prochaine, pour suivre les exploits du XV de France.
8 x 40 minutes
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