Sissi & moi - Frauke Finsterwalder - critique

Critique : Finalement, le mythe Sissi n’aurait-il d’autre but que de servir l’émancipation féminine ? De la viennoiserie pesante d’Ernst Marischka qui, dans les années 50, réalise une trilogie pour nous présenter une jeune femme compassée et résignée, à cette fiction sarcastique évoquant une amitié ambigüe entre Sissi et sa dame d’honneur, en passant par Corsage de l’Autrichienne Marie Kreutzer qui, il y a tout juste un an, revenait sur la soif de liberté de cette héroïne rebelle, chacun de ces films offre un point de vue différent sur la célèbre impératrice. Cette fois, la réalisatrice allemande Frauke Finsterwalder propose une version exclusivement féminine racontée par Irma Sztàray (Sandra Hüller qui, après Anatomie d’une chute et La zone d’intérêt, tous deux en compétition officielle à Cannes, confirme son statut d’actrice incontournable). Elle incarne ici une comtesse déchue, maltraitée par une mère ambitieuse. Ne s’offre à elle que les voies du monastère ou du mariage forcé. Elle choisit alors de devenir la dame de compagnie de Sissi (Suzanne Wolff) et de la rejoindre à Corfou où elle s’est isolée du monde et des hommes qu’elle déteste. Irma découvre les exigences et la démesure des grands de ce monde, leur vie dissolue mais aussi les insupportables pressions que subissent ceux qui sont au devant de la scène.

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Dès son recrutement, la malheureuse Irma est jaugée telle un animal de foire. On vérifie son état physique, sa capacité d’endurance et sa patience. Car notre impératrice est plutôt de nature agitée. Elle change sans cesse d’activités et d’humeur. Si elle a souvent été décrite comme une femme faible, instable et dépressive, Finsterwalder choisit de la doter d’un caractère fort. Elle refuse les contraintes imposées par son statut d’impératrice, mais entend bien profiter des privilèges qui en découlent et sait, quand la situation l’exige, se faire manipulatrice et impitoyable. Son charme et sa détermination la rendent aussi terriblement attachante. C’est finalement toute cette complexité qui scellera une complicité indestructible avec Irma qui n’a connu jusque là que la solitude, l’abnégation et l’ennui d’une vie que sa mère avait tracée pour elle.

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Si le film se complaît dans un féminisme à tout crin avec rejet obligatoire du mâle souvent montré sous son aspect le moins avantageux (on a même droit à une scène de l’empereur François-Joseph sur le trône, pas vraiment royal), il parvient à captiver grâce à une mise en scène soutenue et riche en disparités. Des scènes colorées se fondent dans la mélancolie suivant la courbe des humeurs de la souveraine. La beauté des lieux fait oublier la cruauté des régimes et traitements que s’impose cette aristocrate désœuvrée, tandis que l’ombre et la lumière révèlent le pire et le meilleur de cette vie de courtisane, le tout baignant dans un humour narquois. Reste à se délecter du duo étonnant Hüller/Wolf, sans conteste le plus bel atout du film.
Entre imaginaire et faits historiques, l’anachronisme assumé, tant musical (Glory Boxde Portishead) que vestimentaire, dépoussière des rites séculaires et, à l’image des remous que connaissent certaines cours européennes, offre la vision d’une monarchie en voie de libération.