L’Enfer, c’est les autres
Le 20 août 2018
Une histoire forte, dure et terriblement actuelle, sublimée par une mise en scène pleine de charme.
- Réalisateur : Naoko Yamada
- Genre : Drame, Animation, Romance
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Art House Films
- Durée : 2h05mn
- Titre original : Koe no katachi
- Date de sortie : 22 août 2018
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Résumé : Nishimiya est une élève douce et attentionnée. Chaque jour, pourtant, elle est harcelée par Ishida, car elle est sourde. Dénoncé pour son comportement, le garçon est à son tour mis à l’écart et rejeté par ses camarades. Des années plus tard, il apprend la langue des signes... et part à la recherche de la jeune fille.
Notre avis : Adapté du manga de Yoshitoki Oima, Silent Voice est le premier long-métrage d’une jeune réalisatrice japonaise très prometteuse : Naoko Yamada. À seulement 33 ans, la cinéaste n’a rien à envier aux grands de l’animation japonaise. En témoigne ce récit brut et brutal racontant l’histoire d’amour tragique entre Ishida, un jeune homme impulsif et violent, et Nishimiya, une adolescente sourde muette qui rêve d’amour et d’amitié.
Le récit est construit sur deux temporalités : la première, qui ne dure pas plus d’une demi-heure, se déroule à l’école primaire : Nishimiya est une nouvelle élève. Elle connaît la langue des signes, mais pas ses camarades. Alors, pour communiquer avec eux, elle leur demande de lui écrire dans un cahier de conversations. Mais si Shōko essaye de s’intégrer, de parler à voix haute comme les gens « normaux », sa différence effraie ses camarades, et particulièrement Ishida, qui l’humilie à longueur de journée, jusqu’à passer en conseil de discipline.
- ©Yoshitoki Oima, KODANSHA/A SILENT VOICE The Movie Production Committee. All Rights Reserved.
La seconde temporalité est celle des remords et de la rédemption : Ishida a décidé d’apprendre la langue des signes et de retrouver Nishimiya dans l’espoir de se faire pardonner. Mais toujours le passé plane au-dessus de la tête comme une ombre, comme un nuage noir près de se déchirer en orage.
Les enfants de la première demi-heure sont devenus des adolescents. Séparés cinq ans durant, ils se retrouvent et se déchirent encore, alors que Ishida peine à adresser la parole à celle qu’il avait persécutée. Beaucoup lui reprochent de vouloir à tout prix soulager sa conscience. Pourtant, tout comme Nishimiya, que son handicap met à l’écart de la société malgré le soutien de sa sœur et de sa mère, Ishida va mal. Si mal qu’il fait plusieurs tentatives de suicide. Si mal qu’il ne parvient plus à vivre avec les autres, et à les regarder en face : leurs visages existe sans exister, dissimulés par une croix violette.
- ©Yoshitoki Oima, KODANSHA/A SILENT VOICE The Movie Production Committee. All Rights Reserved.
C’est ce parcours sur le chemin de la guérison psychologique et du pardon que Yamada dessine pendant deux heures qui, bien qu’un peu longues, sont très riches visuellement : si les personnages évoluent dans un cadre réaliste, l’onirisme ne manque pas. De lumières vives en gros plans ralentis sur les visages qui se reconnaissent, de souvenirs douloureux en moment d’apaisement sous les arbres fleuris, le rêve et la réalité se confondent à tel point que parfois l’on peine à les distinguer. Mais il y a surtout l’espoir d’un amour sincère et inavoué entre Nishimiya et Ishida, entravé par le poids du passé, de l’isolement et de la culpabilité.
Le harcèlement scolaire est un sujet d’actualité qui reste cependant tabou, que l’audiovisuel a pourtant pris à bras le corps depuis longtemps déjà. On se souvient du Carrie de De Palma, et plus récemment, de la série 13 Reasons Why qui a largement contribué à un nouvel éveil des consciences ces deux dernières années. Dans la même lignée, Silent Voice est un film éprouvant, sans complaisance avec ses personnages, tous mal dans leur peau, cependant que la beauté fantasmagorique de l’animation, revigorante et apaisante, rappelle sans cesse que tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.
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