Je t’aime, moi non plus
Le 23 juin 2012
Qu’est-ce que l’amour ? Joana Preiss s’essaie à une réponse intime et expérimentale dans un film déroutant, en forme de home-movie sur le couple.
- Réalisateur : Joanna Preiss
- Genre : Documentaire, Expérimental
- Nationalité : Français
- Durée : 1h22mn
- Date de sortie : 27 juin 2012
- Plus d'informations : Le site du distributeur
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Qu’est-ce que l’amour ? Joana Preiss s’essaie à une réponse intime et expérimentale dans un film déroutant, en forme de home-movie sur le couple.
L’argument : Un couple part en voyage avec deux petites caméras pour faire un film. A bord du transsibérien, ils échangent sur l’amour, le désir, le cinéma. Peu à peu, la caméra devient pour chacun le moyen de traquer les sentiments de l’autre. Au fil des paysages inconnus, la vérité de leur relation se dévoile.
Notre avis : Elle et lui. Juste à deux. Autour, le monde entre par bribes de matière numérique – fragments d’un paysage entrevu par la vitre du Transsibérien, bouts de dialogue russe baragouinés par les inconnus rencontrés sur le chemin. Aperçus de transactions (au détour d’une épicerie, d’une course en taxi). Sibérie part à la recherche de l’Autre ; et l’Autre, ce n’est pas l’étranger, le Russe, le Sibérien, mais celui qui partage la couche(tte), l’étrangement proche. S’offrant comme un huis-clos des grands espaces, le film explore moins le lieu du voyage que celui d’une traversée du désert amoureux, du premier doute symétrique révélé dans un « Je t’aime » murmuré le soir au-dessus d’un lit, jusqu’à l’éventualité d’une séparation. « Notre amour est expérimental », propose Bruno Dumont à la caméra de Joana Preiss. A mi-chemin entre Cavalier et Tarnation, le film cherche lui-même sa forme et son propos. C’est en premier lieu un document et un carnet de voyage : dans le filet à bagages du compartiment, les cassettes vidéo s’accumulent – le matériau brut, la sensation, le bordel du cadrage-décadrage à deux caméras. C’est ensuite et surtout un discours amoureux : pourquoi et comment tu m’aimes, pourquoi et comment je t’aime, décliné sur deux modes, la parole brute (filmée dans un miroir ou en miroir) et le regard sur le corps de l’autre. La caméra comme dispositif d’enregistrement de souvenirs, support d’une empreinte sensuelle qui parvient – tant bien que mal – à filtrer l’intimité d’un couple.
On « reçoit » Sibérie avec une drôle d’impression, tant l’objet est à la fois proche et déroutant. Film auto-centré s’il en est, Sibérie se débarrasse avec nonchalance de la question du narcissisme, ramenant tout au « personnage autobiographique » de Joana Preiss avec la force d’un point centripète. Plus qu’un dilemme d’amour – qui semble résolu dès l’ouverture du film – , c’est un dilemme créatif que Sibérie tente de mettre en place. Répétant à l’envi qu’elle n’a pas envie d’être « manipulée » par Dumont, de se laisser façonner à la manière de l’acteur – car c’est de l’amour et donc du vif que l’on filme ici –, la réalisatrice tangue sur le fil du contrôle d’elle-même, courant après le désir et la nécessité de poursuivre le film. Que faire de son image, lorsque la moitié du matériau filmique est le fruit d’un regard amoureux et cinéaste ? Le film ne tranche pas réellement, mais donne plutôt la sensation de foncer à l’instinct : tant pis pour les atermoiements, parions sur la lente exposition, l’effeuillage progressif de la sensibilité. L’expérience trouve des moments de bonheur, comme elle atteint parfois ses limites – dans ce cercle amoureux où l’on se sent souvent de trop –. Lorsqu’à la fin, le monde finit par refluer dans le film, la parenthèse se referme, en forme de paradoxe : ce voyage n’aura été partagé, confie Preiss à Dumont, « qu’avec toi ». Mystère de la communication au cinéma.
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