Le 27 mai 2021
Plus qu’un récit d’immersion tragique dans une république auto-proclamée en Europe de l’Est, Si le vent tombe est un immense hommage à ces peuples du Caucase totalement ignorés du monde et qui attendent encore de vivre. Un témoignage sensible et profond.
- Réalisateur : Nora Martirosyan
- Acteurs : Grégoire Colin, Hayk Bakhryan
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Belge, Arménien
- Distributeur : Arizona Distribution
- Durée : 1h40mn
- Titre original : Should the Wind Fall
- Date de sortie : 26 mai 2021
- Festival : Festival de Cannes 2020
Résumé : Alain, un auditeur international, vient expertiser l’aéroport d’une petite république auto-proclamée du Caucase afin de donner le feu vert à sa réouverture. Edgar, un garçon du coin se livre à un étrange commerce autour de l’aéroport. Au contact de l’enfant et des habitants, Alain découvre cette terre isolée et risque tout pour permettre au pays de s’ouvrir.
Critique : La pancarte de bienvenue, fondue dans la grisaille des montagnes, annonce le pays du Karabagh. Qui a déjà entendu parler de cette sorte de république auto-proclamée, où un peuple qui connaît guerres et génocides depuis des décennies, tente d’exister, malgré la pénurie et le dénuement le plus total ? Nous sommes en 2020. Coincé par des intérêts géopolitiques complexes, le pays ressemble à un volcan prêt à exploser à chaque fois qu’une personne tente de s’approcher de la frontière, pour identifier ses limites. Il n’y a rien. Une seule route tortueuse pour pénétrer le pays. Il n’y a pas d’aéroport en état de fonctionnement, privant ainsi le peuple des échanges économiques essentiels à sa survie. Même l’eau est absente, au point que la seule ressource minérale pure se trouve dans cet aéroport sinistre. Un petit garçon la distribue chaque jour aux paysans esseulés contre quelques billets.
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Si le vent tombe constitue un film hybride. A la fois témoignage historique et hommage en faveur de tout un peuple bafoué dans ses droits les plus stricts, le long-métrage raconte comment un pays peut se retrouver privé de tout, jusqu’au minimum qu’est l’eau potable, quand, dans l’indifférence internationale, on lui arrache le droit à faire venir des avions sur son aéroport. Alain, un auditeur français, vient pour rédiger un rapport qui devrait guider les ministres dans leur décision d’ouvrir ou pas l’aéroport. L’enjeu est immense, car il s’agit de faire cesser un embargo épouvantable et redonner au peuple un semblant de dignité. La caméra de Nora Martirosyan accompagne le consultant dans une pudeur et une économie de mouvements, semblables à la nature du pays lui-même. La musique est rare, sinistre, elle se fraie un chemin au milieu de ces montagnes arides ou ces forêts froides. Si la capitale semble neuve, après qu’elle a subi les bombardements, le peuple paraît avoir déserté les lieux. On ne vit pas. On s’invente un espoir, on s’illusionne d’une renaissance prochaine.
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La réalisatrice met en scène le si rare Grégoire Colin. L’égérie de Claire Denis revient sur les écrans dans de nombreux films pour notre plus grand bonheur en cette année de réouverture des cinémas. L’homme a mûri. Il parle peu. Les yeux noirs percent l’horizon et le spectateur ressent avec force que ce film n’a pas été un tournage de plus dans la carrière du comédien. On comprend que ce récit, ces traversées en voiture du pays, constituent une sorte de cri contre le silence assourdissant qui entoure le destin du Karabagh. L’homme trahit dans ses postures, dans les mouvements quasi imperceptibles du visage, l’expérience avec une nation qui attend sûrement, à la sortie du film, une reconnaissance du désastre humanitaire qu’elle subit. La dignité avec laquelle la réalisatrice met en scène son personnage principal est remarquable. On ne sait rien de cet homme, sinon qu’il achète un soir un vêtement pour un enfant. Le sien ? Un bébé de sa famille ? Le mystère reste entier. Car l’enjeu n’est pas celui du destin personnel de cet homme. L’enjeu demeure celui d’un pays qui n’existe pas, dont le peuple est condamné à la misère et l’oubli.
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Voilà donc un témoignage social et historique qui hantera longtemps l’imaginaire des spectateurs. Si le vent tombe est un film d’utilité publique qui vaut bien mieux qu’un discours ou un reportage télévisuel. L’émotion emplie de pudeur est une opportunité magnifique pour s’intéresser au Karabagh et son peuple oublié.
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Egedan 18 juin 2021
Si le vent tombe - Nora Martirosyan - critique
C’est un beau film .
Le pyjama de bébé qu’Alain achète est simplement un cadeau de naissance pour le nouveau-né de son chauffeur Seirane .
C’est un signe de son attachement à ce peuple .
Je suis contente de lire votre référence au Désert des Tartares, je l’ai aussi convoquée pendant la projection .