Le 27 novembre 2022
She Said transmue le film d’investigation en un cri du cœur d’une extrême pugnacité contre tout un système multiséculaire légitiment le viol et la haine du féminin. Une œuvre édifiante, essentielle, monumentale, filmant la libération de la parole comme une tornade impétueuse et immuable.
- Réalisateur : Maria Schrader
- Acteurs : Samantha Morton, Patricia Clarkson, Ashley Judd, Zoe Kazan, Carey Mulligan, Jennifer Ehle, Andre Braugher
- Genre : Drame, Thriller, Thriller politique
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Universal Pictures France
- Durée : 2h05mn
- Date télé : 27 septembre 2023 22:35
- Chaîne : Canal+
- Date de sortie : 23 novembre 2022
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Résumé : Les journalistes du New York Times Megan Twohey et Jodi Kantor publient un rapport qui expose les allégations d’abus sexuels contre le puissant producteur hollywoodien Harvey Weinstein.
Critique : Adapté du livre retraçant l’enquête que les journalistes Jodi Kantor et Megan Twohey ont mené pour faire tomber Harvey Weinstein, écrit par la scénariste Rebecca Lenkiewicz, photographié par Natasha Braier, réalisé par la cinéaste Maria Schrader, portée par une pléthore d’actrices impliquées, à commencer par le duo d’enquêtrices interprété par Carey Mulligan et Zoe Kazan, sensationnelles, She Said est avant tout l’oeuvre de femmes portées par l’envie de revenir aux sources du mouvement Me-Too, avant qu’il ne soit démembré, ausculté, vidé de sa substance par les médias de masse. Au départ de cette tornade impétueuse et immuable qui aura fait tombé nombres d’Harvey Weinstein à travers le monde, il y a ces deux journalistes du New York Times, qui entreprennent de faire tomber tout un pan de l’industrie hollywodienne. Elle ne savent pas encore que leur travail permettra à cinquante femmes bâillonnées, pieds et poings liés, de révéler leur traumatisme au grand jour et, plus dur encore, pouvoir témoigner à visage découvert. Le film opère alors une radicale métamorphose de ces victimes de l’ombre qui deviennent de vraies combattantes, garantes de l’héritage qu’elles légueront à leurs filles et fils quant à l’impunité des violences sexuelles sévissant depuis des siècles. Au-delà de l’exploit de rendre cinématographique une profession aussi anti-spectaculaire que le métier de journaliste, souvent collé au téléphone ou parcourant un carnet d’adresses interminable, Maria Schrader s’interroge également sur une problématique de mise en scène majeure : comment représenter à l’écran les scène de violences sexuelles ?
- Copyright 2022 Universal Studios. All Rights Reserved.
La cinéaste montre l’agresseur dans toute son altérité. Le brio de Schrader est d’invisibiliser Harvey Weinstein comme il a invisibilisé de centaines de femmes, ne le représentant qu’à travers une voix rauque d’un téléphone ou bien de dos durant une réunion entre ses avocats et la rédaction du journal. Si à mesure que l’enquête avance, le hors champ devient de plus en plus prégnant, She Said laisse au spectateur le soin de matérialiser ou non le Mal au travers des enregistrement vocaux des victimes, sur fond de lents travellings sur les couloirs interminables d’hôtels de luxe, figurant les méandres de la mémoire et du traumatisme, le tout accentué par un travail particulier accordé au son, qui parvient à rendre à chaque silence ou quelconque bégaiement de voix un réalisme saisissant. Les scènes de confessions sont elles aussi dépourvues de tout sensationnalisme malvenu en revenant à la source même du témoignage au travers d’un champ-contrechamp, en apparence simple, entre le personnage de Zoe Kazan et une victime interprétée par Samantha Morton, qui remet au centre du dispositif d’investigation l’écoute de l’autre, et de fait le regard porté sur l’indicible et l’innommable.
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Ce qui fait aussi de She Said un film fleuve puissamment féministe est l’écriture portée sur le duo de journalistes. Le spectateur est ainsi invité à plonger dans l’intimité de ces femmes qui ne demeurent pas de simples réceptacles à témoignages mais ont aussi des vies entremêlées, à la fois mère, épouse et femme de pouvoir. Elles existent au-delà de leur enquête, tandis que celle-ci prend écho au sein de leur propre cellule familiale, quand la fille de Jodi, âgée de six ans, confronte sa mère au mot "viol" dans un facecam ou bien lorrsque Megan, après s’être relevée d’une dépression post-partum, s’interroge sur l’impact que son article aura sur la jeune génération dans l’éducation de celle-ci, en particulier les garçons, au sujet des violences sexuelles. Cette dichotomie entre la vie quotidienne de ces femmes et leur double vie de gladiateurs renforce notre attachement et permet d’élever le film, au-delà du réquisitoire politique, en véritable manifeste féministe contre l’invisibilisation des femmes dans l’Histoire, parvenant à catalyser une colère sourde qui, au vu de l’actualité récente, n’est pas prête de retomber.
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