Gay, fille-mère, clubber... européens... musulmans
Le 2 mars 2011
Drame stylisé et nocturne, sur fond d’aliénation et de religion, Shahada se veut un portrait d’une jeunesse musulmane européenne en proie au désir de l’autre. Le film aborde notamment le sujet rare de l’homosexualité chez les musulmans.


- Réalisateur : Burhan Qurbani
- Acteurs : Carlo Ljubek, Maryam Zaree, Jeremias Acheampong
- Genre : Drame, LGBTQIA+
- Nationalité : Allemand
- Distributeur : Memento Distribution
- Durée : 1h29mn
- Date de sortie : 26 janvier 2011

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– Festival de Berlin 2010 : Prize of the Guild of German Art House Cinemas
- Copyright Memento Films Distribution
L’argument : Berlin de nos jours, le destin croisé de trois jeunes berlinois issus de l’immigration qui tentent de concilier pratique de la religion musulmane et mode de vie occidental. Ismail, officier de police, est sur le point de rompre avec ses valeurs depuis qu’il est attiré par une jeune clandestine. Sammi est quant à lui déchiré entre sa foi et son désir pour Daniel. Maryam, la fille de l’Imam du quartier, voit sa vie bouleversée suite à une grossesse non désirée.
Notre avis : Fils d’immigrés afghans ayant fui un État envahi par l’Armée rouge en 1979 et ayant demandé l’asile politique en Allemagne, Burhan Qurbani est né dans ce pays un an plus tard. Shahada possède une indéniable charge autobiographique. Comme dans Head-on de Fatih Akin, le récit livre un nouvel éclairage de l’immigration en Allemagne, mais adopte ici la forme d’un mini-film choral axé sur huit personnages principaux. Si l’histoire entre Sammo et Daniel n’échappe pas aux conventions (l’homophobie crasse de l’entourage, les hésitations sentimentales des deux jeunes hommes), le volet sur Ismail s’avère plus convaincant, le policier incarnant l’ordre étant issu de l’immigration et se trouvant confronté à un cas de conscience compliqué par son attirance amoureuse doublement problématique (il est marié et sa maîtresse est en situation illégale) : la violence contenue de certaines séquences ajoutée aux troubles rencontres du hasard et des coïncidences (son épouse, médecin, côtoie deux personnages-clefs) semblent un hommage à certains Kieslowski ou Haneke, sans toutefois atteindre la virtuosité de ces cinéastes. Mais c’est surtout l’épisode de Maryam qui s’avère le plus saisissant. Prenant à contrepied les clichés des films sur l’acculturation, Qurbani fait de la jeune femme un être libéré et révolté, qui semble se heurter aux valeurs d’un père conformiste, quand un coup de théâtre subtil renverse les situations et les caractérisations sociales attendues. Prenant à bras-le-corps les idées reçues sur l’islam, Shahada atteint alors la force d’une étude de mœurs qui vire à la tragédie familiale. Si d’aucuns regretteront la verve de films anglais (Fish and Chips, certains Frears) qui sur le même thème se montraient plus toniques, Shahada force le respect en dépit d’une facture plutôt traditionnelle.