Le 26 avril 2024
Austère et lyrique, sec mais romanesque, ce beau film décrit un milieu rural qui semble intemporel et constitue un modèle de portrait psychologique.
- Réalisateur : Frances Lee
- Acteurs : Gemma Jones, Harry Lister Smith, Josh O’Connor, Alec Secareanu, Ian Hart
- Genre : Drame, Romance, LGBTQIA+
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Editeur vidéo : Pyramide Video
- Durée : 1h44mn
- Box-office : 67.087 entrées France / 33.638 entrées P.P.
- Titre original : God's Own Country
- Date de sortie : 6 décembre 2017
- Festival : Festival de Berlin 2017, Rencontres cinématographiques de Cannes 2017, Festival du film Britannique de Dinard 2017
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Résumé : Johnny travaille du matin au soir dans la ferme de ses parents, perdue dans le brouillard du Yorkshire. Il essaie d’oublier la frustration de son quotidien en se saoulant toutes les nuits au pub du village et en s’adonnant à des aventures sexuelles sans lendemain. Quand un saisonnier vient travailler pour quelques semaines dans la ferme familiale, Johnny est traversé par des émotions qu’il n’avait jamais ressenties. Une relation intense naît entre les deux hommes, qui pourrait changer la vie de Johnny à jamais.
Critique : Francis Lee avait été remarqué par des courts-métrages (The Farmer’s Wife) d’une tonalité autobiographique. Seule la terre continue dans cette voie et a reçu le même accueil positif dans plusieurs festivals, obtenant le prix de la mise en scène à Sundance et le Teddy Award du Männer Jury à Berlin. On aurait tort de réduire ce premier long métrage à un Brokeback Mountain dans le Yorkshire, ou à une version rurale et contemporaine du Maurice de James Ivory, d’après E.M. Forster. A vrai dire, l’homosexualité des deux protagonistes, sans être anecdotique ou secondaire, n’est pas véritablement l’enjeu central du récit, qui décrit plutôt le cheminement psychologique et sentimental d’un jeune agriculteur ne voulant pas céder au poids de la passion, n’en ayant pas le temps, et sans envie initiale de partager une intimité sur la durée. L’environnement de Johnny n’est d’ailleurs pas hostile à la vie sexuelle (clandestine certes) du jeune homme : son père invalide et acariâtre lui adresse maints reproches, mais aucun d’eux ne porte sur sa vie privée ; la grand-mère distante et taiseuse sourcille à la vue d’un préservatif et verse sa petite larme en apprenant la vérité, mais ne le dissuadera pas de son libre choix. Et si la micro-communauté ne se montre guère avenante envers Johnny, c’est surtout à cause de sa paresse, ses mauvaises manières ou son ivresse notoire.
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Nulle homophobie explicite ou implicite ne vient dont créer une tension dramatique, même si la situation semble résulter davantage de l’indifférence que d’une tolérance. Le mérite de Seule la terre est donc d’emprunter une autre voie, celle (mélo)drame rural et de l’étude de mœurs, et l’on peut juger que la narration aurait pu être identique avec une romance hétérosexuelle. Le film, tourné dans une véritable ferme, frappe d’abord par sa rigueur réaliste, écho au récent Petit paysan d’Hubert Charuel : les acteurs se sont d’ailleurs imprégnés des travaux agricoles : aider une brebis à mettre bas, construire un mur en pierres sèches ou poser une clôture sont ici des gestes que le cinéaste filme avec une précision documentaire, que l’on comprend aisément, Francis Lee ayant passé son enfance dans un cadre identique. Le travail sur l’image et le son rend compte admirablement des rapports entre l’homme et la nature : « Je voulais que la caméra soit toujours installée entre les personnages, pour qu’ils ne puissent jamais se soustraire à notre regard. Les mouvements de caméra devaient refléter non seulement les paysages, mais aussi l’état émotionnel des protagonistes », a déclaré le réalisateur.
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Il a également tenu à installer un « paysage sonore » : du chant des oiseaux et du bruit du vent au son du feu de camp, tout a été fait pour distiller un climat aussi bien serein et accueillant qu’hostile et sombre. Si une séquence d’accouplement bestial dans la plaine fait songer à l’univers pictural et au naturalisme sec du Bruno Dumont de L’Humanité, Francis Lee devient moins conceptuel et davantage émotionnel dans la seconde partie, sans que ces ruptures de style ne troublent l’harmonie de l’ensemble. On l’aura compris : Seule la terre est une première œuvre prometteuse, en dépit de certains clichés inhérents au cinéma britannique (l’inévitable beuverie foireuse au pub local). Venu de la scène, Francis Lee accorde une importance cruciale à la direction d’acteurs : si Ian Hart (vu dans Harry Potter et chez Frears) livre un numéro conforme aux standards des BAFTA et autres British Independent Film Awards, deux quasi-inconnus crèvent l’écran : Josh O’Connor qui avait obtenu un petit rôle dans Florence Foster Jenkins est parfait en écorché rattrapé par le doute ; l’acteur roumain Alec Secareanu lui donne la réplique en dégagant une vraie présence.
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– Rencontres Cinématographiques de Cannes 2017 : Panorama des Festivals
– Sortie DVD & VOD : 2 mai 2018
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