Femmes, femmes
Le 3 juillet 2012
Une vision de biais de l’Italie des années du terrorisme à travers sept superbes portraits féminins. Un des très beaux films de Giuseppe Bertolucci, le frère cadet de Bernardo.
- Réalisateur : Giuseppe Bertolucci
- Acteurs : Alida Valli, Lea Massari, Stefania Sandrelli, Rossana Podestà, Mariangela Melato, Lina Sastri, Sandra Ceccarelli, Giulia Boschi
- Genre : Drame, Politique, Inédit (salle, vidéo)
- Nationalité : Italien
- Durée : 1h33mn
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Une vision de biais de l’Italie des années du terrorisme à travers sept superbes portraits féminins. Un des très beaux films de Giuseppe Bertolucci, le frère cadet de Bernardo.
L’argument : A Venise, un groupe de terroristes, dirigé par une jeune femme, Laura, doit tuer un juge. Celui des trois qui doit tirer s’affole et se blesse lui-même à la jambe. Laura l’exécute froidement après avoir elle-même abattu le juge.
A Irpinia, une jeune femme, Rosa, venue assister aux funérailles de son frère adoptif qui n’est autre que le terroriste abattu, reproche à sa mère, Maria, son insensibilité.
Dans la villa de Vénétie appartenant à sa famille où elle a passé son enfance, Laura est accueillie par sa vieille gouvernante qui garde la maison. En écoutant la radio et en regardant Laura dans les yeux, celle-ci comprend tout. Elle rend les clefs de la maison, fait sa valise et s’en va sans donner d’explications.
A Rome, la mère de Laura, Marta, passe une nuit à l’hôpital au chevet d’une amie, la narcissique Renata, qui a fait une tentative de suicide....
Notre avis : Giuseppe Bertolucci, qui vient de mourir en Juin 2012 à l’âge de 65 ans, est beaucoup moins connu en France que son frère aîné Bernardo avec lequel il a souvent collaboré comme scénariste.
Bien que certains de ses films aient rencontré un écho considérable en Italie ils n’ont été montrés ici que dans le cadre de festivals ou de séances spéciales.
C’est pourtant un réalisateur important, à l’oeuvre riche, cohérente et souvent passionnante, dont Segreti, segreti est une des pièces maîtresses
- Lina Sastri et Mariangela Melato dans Segreti, segreti (Giuseppe Bertolucci 1984)
Le film, conçu en 1980 mais réalisé seulement quatre ans plus tard, aborde la question du terrorisme, alors en phase déclinante, mais de biais, sans emprunter les voies du cinéma politique à l’italienne en vogue dans les années 70.
Adoptant une structure de puzzle (avec des retours en arrière et des scènes répétées sous d’autres angles), confrontant des lieux et des milieux différents (des labyrinthes vénitiens aux immenses appartements de la grande bourgeoisie romaine, en passant par la gare de Milan, une villa de Vénétie ou les roulottes des rescapés du tremblement de terre d’Irpinia en Campanie), il croise les itinéraires de plusieurs femmes en crise à celui de la protagoniste jouée par Lina Sastri à qui son interprétation valut le David de Donatello de la meilleure actrice en 1985.
- Alida Valli dans Segreti, segreti (Giuseppe Bertolucci 1984)
Cette option chorale permet au cinéaste de réunir une distribution de rêve et d’offrir à Rossana Podestà (Maria), Lea Massari (Marta) , Stefania Sandrelli (Renata), Mariangela Melato (Giuliana, la juge) ou la jeune Giulia Boschi (Rosa) des rôles mémorables sous les figures tutélaires, maternelles, de l’immense Alida Valli (très impressionnante dans le rôle de la vieille tatà, la nourrice de l’héroïne) et même de la Magnani. Celle-ci, qui ne pouvait manquer [1] ici, est présente grâce à un extrait de Mamma Roma passant à la télé et interrompu par une brutale coupure publicitaire.
Pour Giuseppe Bertolucci la fascination qu’exercent toutes ces femmes est d’abord due au fait qu’elles sont détentrices de secrets, celui de la conception bien sûr, mais aussi celui de la narration. Ce sont elles qui généralement racontent aux enfants les histoires, fables ou comptines, qui vont les accompagner secrètement durant toute leur vie.
Un des moments les plus saisissants est celui où la nourrice raconte, comme elle le faisait vingt ans plus tôt, pour endormir l’héroïne (ou plutôt, comme le fait remarquer celle-ci, pour l’empêcher de dormir) le conte terrifiant de la fillette qui, même morte, ne peut s’empêcher de se ronger les ongles (au point qu’il faut lui couper le bras qui ne cesse de se dresser de sa tombe).
- Giulia Boschi et Lina Sastri dans Segreti, segreti (Giuseppe Bertolucci 1984)
Merveilleux conteur, Bertolucci est lui aussi un sorcier, un enchanteur, qui nous prend par la main pour nous entraîner dans un univers miroitant et intensément romanesque fait de lieux magiques (notamment les gares et les trains, souvent présents dans ses films) où les personnages sont amenés à faire des rencontres, à vivre des expériences qui vont les transformer ou les révéler à eux mêmes, où, comme il le dit lui-même, l’identité n’est jamais fossilisée [1] .
Segreti, segreti est un film à la texture complexe, en strates superposées, qui éblouit par son brio de surface mais sait aussi faire entrevoir des perspectives en profondeur et sa vision de l’Italie des années 80 est certainement bien plus pertinente et juste que celle de bien des analyses frontales et prétendument rationnelles.
- Lea Massari dans Segreti, segreti (Giuseppe Bertolucci 1984)
[1] Citations extraites de l’entretien qui accompagne le film dans l’édition DVD italienne de 2004.
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