Lire et relire
Le 6 octobre 2022
Annie Ernaux plonge au cœur d’elle-même sans pudeur pour nous raconter sa liaison avec un diplomate russe.
- Auteur : Annie Ernaux
- Editeur : Folio
- Genre : Roman & fiction, Littérature blanche
- Date de sortie : 1er février 2001
L'a lu
Veut le lire
Résumé : « [...] Je n’ai jamais rien su de ses activités qui, officiellement, étaient d’ordre culturel. Je m’étonne aujourd’hui de ne pas lui avoir posé plus de questions. Je ne saurai jamais non plus ce que j’ai été pour lui. Son désir de moi est la seule chose dont je sois assurée. C’était, dans tous les sens du terme, l’amant de l’ombre. [...] J’ai conscience de publier ce journal en raison d’une sorte de prescription intérieure, sans souci de ce que lui, S., éprouvera. À bon droit, il pourra estimer qu’il s’agit d’un abus de pouvoir littéraire, voire d’une trahison. Je conçois qu’il se défende par le rire ou le mépris, "je ne la voyais que pour tirer mon coup". Je préférerais qu’il accepte, même s’il ne le comprend pas, d’avoir été durant des mois, à son insu, ce principe, merveilleux et terrifiant, de désir, de mort et d’écriture. »
Critique : Une histoire sans fin pour un quotidien réduit à presque rien, ou à presque tout : les visites furtives, humiliantes, frustrantes, d’un homme à une femme. Lui, diplomate, étranger, marié, en transit, débarque quand bon lui semble, sans prévenir, et repart de même, sans un regard pour le vide abyssal qu’il laisse derrière lui. Se perdre, c’est l’égarement de cette femme pour qui rien d’autre n’a compté, pendant les quelques mois qu’a duré cette liaison. C’est l’envahissement progressif de sa vie par l’autre, au point de s’oublier soi-même.
Annie Ernaux nous a habitués à ces plongées au cœur d’elle-même, sans retenue, sans pudeur, absolument offerte jusqu’à l’exhibition de sa déchéance. Elle nous a habitués à son écriture glacée et déshabitée, qui creuse au plus profond de l’inavouable, qui hurle la perte, l’abandon, l’anéantissement. Tout nous est donné à voir, dans ce journal plus qu’intime d’une liaison que rien d’autre ne justifie que le sexe. Exhibition ? On pourrait nommer ainsi la rigueur absolue de la démarche d’Annie Ernaux, ce parti pris de crudité presque pornographique. Mais c’est peut-être avant tout une fuite devant la mort, face à ce corps qui nous échappe, qui nous trahit, et auquel seul le sexe peut offrir un instant d’immortalité.
La chronique vous a plu ? Achetez l'œuvre chez nos partenaires !
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.