Sais-tu ce que Staline faisait aux femmes ? - la critique du film + le test DVD

Critique : Maurizio Liverani n’a tourné que deux films de fiction, Sais-tu ce que Staline faisait aux femmes ? et L’attrait de la pêche, connu (?) aussi sous d’autres noms. Brève carrière, marquée par l’échec qui le dirigera vers des documentaires. Cinéaste dont on sait peu de choses, métrage inédit : nous voilà alléchés par une promesse de découverte. À travers l’itinéraire de deux communistes, l’un sincère et quasi fou, l’autre snob hautain et séducteur jouisseur ; le scénario accumule des séquences assez confuses, parfois incohérentes, dans des décors qui vont du moderne au médiéval sans vraie nécessité narrative, au son d’une musique répétitive signée Morricone. Une curiosité donc, qui, sous des apparences foutraques, est une satire radicale des engagements : privés de gloire (la libération de Venise n’a été qu’une affaire « bureaucratique » et l’Histoire se fait toujours sans eux), les personnages s’inventent un idéal absurde, qui côtoie la dévotion religieuse et annihile leur jugement. Les voilà embarqués dans des aventures incompréhensibles mêlant érotisme (les actrices, très jolies, sont souvent filmées dans des poses qui évoquent des rituels sadomasochistes ou des photographies de mode, avec une insistance sur les jambes et les fesses), discussions sans fin truffées de citations et mises en scène plus ou moins perverses.
Bref, ce que Liverani enregistre, c’est rien moins qu’une génération en plein désarroi qui se cherche, proférant des propos abscons et des slogans pour croire qu’elle réfléchit. C’est parfois percutant, y compris dans la caricature de l’Église, parfois drôle (certains détails, telle cette pendule à la faucille et au marteau, font mouche), mais le manque de cohérence, la faiblesse des personnages et la répétition des situations ne sont pas vraiment compensés par le désir très net de surprendre. En ce sens, Sais-tu ce que Staline faisait aux femmes ? a un intérêt historique réel : avec ses plongées, ses décors baroques et la prolifération des miroirs, ses refus narratifs, il témoigne d’une période d’essais, inaboutis et mal fagotés, qui questionnent le cinéma. En intriquan sexe, religion et communisme, Liverani se voulait provocant, mais cette provocation a mal vieilli ; reste une expérience déroutante, hésitant sans cesse entre des tons différents, mélange de cruauté et de manipulation, pas vraiment drôle, ni vraiment sympathique. Bref, un véritable Objet Filmique Non Identifié.

Les suppléments :
Stéphane Roux revient brièvement sur l’étrangeté du film, avant d’examiner les carrière du réalisateur et des principaux acteurs. C’est érudit, intéressant, mais très court (9mn). À quoi s’ajoute l’habituelle bande-annonce de la collection.

L’image :
Aucune restauration : les couleurs ont vieilli, l’image est instable et de menus parasites s’invitent fréquemment.

Le son :
Là encore, la seule version proposée (pas de VF) n’est pas très fraîche, le rendu est confus avec de petites impuretés.