Le 26 août 2016
Un film d’amour impossible tout en audace, magnifié par une superbe BO et la photographie de Christopher Doyle.
- Réalisateur : Khavn De La Cruz
- Acteurs : Tadanobu Asano, Nathalia Acevedo
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Musical, Expérimental
- Nationalité : Philippin
- Editeur vidéo : Blaq Out
- Durée : 1h13
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Date de sortie en DVD et en blu ray : 9 juin 2016
Résumé : À Manille, un chef de gang règne avec violence sur la ville. Il demande à son plus loyal homme de main de protéger sa petite amie, impulsive et qui a tendance à attirer les ennuis. De leur rencontre va naître une romance et c’est durant leur fuite qu’ils vont apprendre à se connaître...
Notre avis : En apparence, le synopsis de Ruined heart est celui d’un film noir traditionnel. Un criminel et une prostituée s’enfuient, étant poursuivis par un parrain de la mafia locale. A priori, rien de bien nouveau sous le soleil de Manille. Et pourtant, les partis-pris audacieux du réalisateur, le Philippin Khavn De La Cruz, en font un OFNI (objet filmique non identifié). Et le terme n’est absolument pas galvaudé.
- Rapid Eye Movies
Le générique de Ruined heart, qui se passe en filmant les tatouages d’un homme, met d’emblée le spectateur dans l’ambiance. Mais ce n’est qu’un début. La suite est bien plus étonnante.
L’action a lieu dans les ruelles sombres et pauvres de Manille. Les deux principaux personnages de cette odyssée baroque, un criminel et une prostituée, sont en perpétuel mouvement. On ne sait pas ce qui se passe et on est baladé au gré de leurs rencontres. Ce sentiment de perte des repères est renforcé par un montage déstructuré, avec un recours fréquent au flash-back. Cette surprise dans la découverte des événements (hormis la fin, qui ne laisse présager aucun doute possible) constitue le point fort de ce film au format relativement court, puisqu’il ne dure que 1h05 (hors générique de fin).
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Les errances urbaines de ce couple donnent l’impression d’assister à un gigantesque trip sensoriel. D’ailleurs, si les dialogues sont quasiment absents et inaudibles, laissant plus d’importance aux corps se mouvant dans l’espace, la musique joue quant à elle un rôle fondamental.
Image et musique sont étroitement liés. Dans cet opéra mortifère, chaque nouvelle séquence est introduite par un nouveau thème musical. L’excellente BO, composée par le groupe allemand Stereo Total, vaut franchement le détour et justifie à elle seule le visionnage de ce film. Elle est d’ailleurs d’une grande variété : électro-pop, musiques classiques, sonorités exotiques, rock. Cette diversité se retrouve également au niveau des paroles des chansons avec notamment du français (« Sois mort et tais-toi ») et de l’allemand (« Ich lieb sie »), ce qui est plutôt surprenant pour un film philippin. La symbiose entre l’image et le son est évidente, à l’instar de ce groupe de rock chantant à l’écran « tu es le battement de mon cœur » avec comme toile de fond une étonnante orgie de sexe (scène assez soft). Et que dire de cette séquence où la prostituée court au milieu d’enfants sur des accords rappelant étrangement le hit Rain and tears (un clin d’oeil au Three times d’Hou Hsiao Hsien ?).
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Dans cette histoire d’amour impossible, le réalisateur convoque les symboles puisque le criminel est affublé d’un masque avec une tête de cheval alors que la prostituée est habillée en ange avec des ailes noires. Une représentation d’anges déchues ? La préfiguration d’un destin funeste ? Toujours est-il que rarement Eros et Thanatos n’ont été autant liés. Il s’agit clairement d’un amour pur de deux personnages censés ne pas l’être.
Si son film a été tourné en seulement quatre jours, Khavn De La Cruz a su s’entourer d’une équipe internationale de grande classe. Ainsi, le travail de chef-opérateur a été confié à l’Australien Christopher Doyle, qui a œuvré sur plusieurs films de Wong Kar Wai (Les anges déchus). Il apporte immanquablement sa patte en délivrant une ambiance particulière, en travaillant sur la lumière et les couleurs.
Au niveau du casting, les deux rôles principaux n’ont pas été donnés à des Philippins. Le criminel est interprété par le Japonais Tadanobu Asano (Ichi the killer) qui apporte son charisme et un côté mystérieux à son personnage. Quant à la prostituée, elle est jouée par la très belle Mexicaine Nathalia Acevedo (Post Tenebras Lux), laquelle fait preuve d’une grâce et d’un charme évident. Bien loin de l’idée que l’on peut se faire des prostituées.
Mais après tout, on est ici dans le domaine de la représentation. Le but n’est pas de coller à la dure réalité du quotidien philippin mais plutôt de sublimer un amour naissant et sincère.
- Rapid Eye Movies
Film à la beauté sidérante et aux thématiques universelles, Ruined heart est toutefois une œuvre à réserver à un public averti : l’absence de dialogues, le récit déstructuré sont autant de choix du réalisateur qui peuvent laisser nombre de spectateurs sur le carreau.
En revanche, si l’on adhère à ce style et que l’on parvient à s’immerger dans cet univers singulier, ce n’est que du bonheur en perspective.
LE TEST BLU RAY
Une bonne qualité technique accompagnée de quelques bonus intéressants.
Les suppléments :
Le bonus le plus pertinent est le court métrage (14 minutes) à l’origine du film. On mentionnera la présence de deux modules sans grand intérêt : un (trop) court making of et une avant-première du film. Bien plus sympathique, le choix de disposer de 3 clips-vidéos de chansons entendues dans le film, notamment le clip délirant de Doctor Love. Les bonus se concluent par la bande annonce de Ruined heart.
L’image :
Une image de très bonne facture, ce qui est d’autant plus impressionnant au regard du matériau de base (caméra DV utilisée). Les quelques séquences où le grain est plus marqué, relèvent de l’intention du réalisateur.
Le son :
Le DTS-HD 5.1 est puissant et bénéficie d’une bonne spatialisation.
Galerie Photos
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