Le 4 décembre 2020
Dans un monologue halluciné, une enseignante s’adresse aux parents d’une élève défunte, morte par suicide. Le texte de Marie NDiaye parvient à transcender un drame scolaire, en lui donnant la dimension d’une tragédie universelle.
- Auteur : Marie NDiaye
- Collection : Blanche
- Editeur : Gallimard
- Genre : Théâtre
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 5 novembre 2020
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Résumé : Gabrielle est professeure de français à Royan. Elle s’adresse aux parents de Daniella. Dans son monologue vindicatif plane le sentiment d’une faute inexpiable dont la narratrice se sent à la fois accablée et innocente. Comme toujours chez Marie NDiaye, une violence métaphysique se dégage des êtres et des situations, venue de si loin qu’il est impossible d’en déterminer la cause. Elle s’élève contre une injustice originelle indissociable, semble-t-il, de la condition humaine.
Critique : Texte écrit pour être joué lors du Festival d’Avignon, Royan. La professeure de français devait aussi être interprété au Théâtre de la Ville, à Paris, du 5 au 21 novembre, par la comédienne Nicole Garcia. Les représentations ont été annulées en raison de la crise sanitaire. Demeure un propos, qui trouvera bientôt un corps et une scène à La Coursive de La Rochelle, les 22 et 23 janvier prochain, si tout va bien. En attendant, on peut découvrir ce discours, long flux hallucinatoire directement relié à l’inconscient d’une enseignante de français, empruntant la forme d’un monologue intérieur impacté par un événement terrible : la mort d’une élève, Daniella. Les premiers mots créent une ambiguïté sur les destinataires, décalant le cadre présupposé : non pas une salle de classe, mais un escalier qui mène à deux parents endeuillés. La fautive est attendue sur le seuil de son domicile et, comme pour ralentir la longue marche qui mène au calvaire, elle retarde le moment où ses phrases diront la rencontre. Entre elle et la réalité tragique, une forteresse rhétorique, cimentée par la configuration même du soliloque, dont la locutrice s’enivre, tout en lui donnant la nécessité d’un hommage. Le dispositif ne manque pas d’ironie : une professeure de lettres trop contente de pouvoir discourir sans être interrompue convoque une armée de tropes à sa rescousse : l’hyperbole ("une rencontre que je repousse de toute mon âme"), la métaphore ("mes cheveux [...] cependant si chargés d’électricité qu’ils crépitent") ou la prétérition ("je ne dois pas non plus répéter que je ne dois pas répéter"), aux fins d’étirer sa longue plainte, hurler sa haine des géniteurs, évoquer d’une manière totalement fantasmagorique son élève défunte, que sa chevelure serpentine rapproche de Méduse, raconter sa relation tumultueuse avec sa propre mère qui, déjà, lui demandait de ne plus crier. La tragédie en mots rejoint celle d’une jeune fille harcelée par ses semblables. Aucune échappatoire pour elle, si ce n’est dans le tombeau des phrases auxquelles Marie NDiaye confère une puissance assurément évocatrice.
72 pages - 9,50 €
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