Le 12 mai 2024
Roqya distille peu à peu son philtre, puissant et hypnotique, et se dévoile peu à peu sans jamais perdre de sa tension. Un premier long-métrage remarquable, porté par Golshifteh Farahani en état de grâce.


- Réalisateur : Saïd Belktibia
- Acteurs : Denis Lavant, Issaka Sawadogo, Golshifteh Farahani, Amine Zariouhi, Isma Kébé
- Genre : Action, Thriller
- Nationalité : Français, Iranien
- Distributeur : The Jokers, Les Bookmakers
- Durée : 1h35mn
- Date télé : 11 mars 2025 22:55
- Chaîne : Canal+ Cinéma
- Date de sortie : 15 mai 2024

L'a vu
Veut le voir
Résumé : Nour vit de contrebande d’animaux exotiques pour des guérisseurs. Lorsqu’une consultation dérape, elle est accusée de sorcellerie. Pourchassée par les habitants du quartier et séparée de son fils, elle se lance alors dans une course effrénée pour le sauver. La traque commence…
LIRE NOTRE INTERVIEW DE SAÏD BELKTIBIA
Critique : Cela n’a l’air de rien mais, film après film, la banlieue pourrait bien devenir le nouvel eldorado du cinéma de genre français. Après La Gravité et Vermines, deux belles illustrations de cette tendance récente, c’est donc Roqya, du primo réalisateur Saïd Belktibia, qui s’ancre dans les cités et leur microcosme.
- Copyright ŠICONO CLAST - LYLY FILMS - FRANCE 2 CINEMA - 2024
Dès les premières minutes du film, son sujet est énoncé, comme tomberait un couperet : « La superstition est une mauvaise herbe qui pousse sur les ruines de la religion. » De fait, Roqya – terme qui désigne dans la religion musulmane la « guérison » d’un croyant atteint de maladies occultes supposément sataniques – se lit, au-delà d’un thriller nerveux, comme un argumentaire contre les fondamentalismes religieux et les tartufes de tout crin. Ces faux dévots qui dévoient les louables principes de leurs religions pour en faire des instruments de torture – dont les femmes sont, bien souvent, les premières victimes. C’est précisément cela qui définit le « patriarcat », terme galvaudé s’il en est : l’exclusion des femmes du pouvoir, la soumission de celles-ci, au nom de valeurs millénaires. Face à cette religion détournée, reste peut-être – semble nous dire Roqya – à puiser dans tout ce que le « féminin sacré » et secret recèle, à en appeler à la « puissance invaincue des femmes » propre à la sorcière, figure qui suscite depuis plusieurs années le regain d’intérêt que l’on sait. Dieu est mort, sans doute, mais chacun d’entre nous a toujours ce besoin presque existentiel de croire en quelque chose...
Difficile, aussi, de ne pas entrevoir dans le film le reflet de son interprète principale Golshifteh Farahani, persona non grata dans son Iran natal pour en avoir remis en cause le fondamentalisme et l’hypocrisie, et qui témoignait il y a encore peu sur ce qui constitue une vraie thanatocratie – un régime où un pouvoir autoritaire s’arroge le droit de vie et de mort sur ses citoyens. L’actrice trouve l’un de ses plus beaux rôles dans ce film qui distille peu à peu son philtre, puissant et hypnotique. Sans aucun doute, Saïd Belktibia est de ces cinéastes dont on a déjà hâte d’avoir des nouvelles.