Le 16 septembre 2022
Rodéo est un premier film puissant, magistralement mis en scène et au casting épatant. Bien loin des polémiques inutiles qui l’entourent.
- Réalisateur : Lola Quivoron
- Acteurs : Julie Ledru, Yanis Lafki, Louis Sotton, Junior Correia, Chris Makodi, Antonia Buresi
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Les Films du Losange
- Durée : 1h50mn
- Date de sortie : 7 septembre 2022
- Festival : Festival de Cannes 2022
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Résumé : Une jeune femme marginale, Julia, vit de petites combines et voue une passion dévorante, presque animale, pour la pratique de la moto. Un jour d’été, elle va faire la rencontre d’une bande de motards adeptes du cross-bitume, cette mode qui consiste à rouler à pleine vitesse et effectuer des figures acrobatiques avec sa machine, la plupart du temps sans casque. L’héroïne va infiltrer ce milieu clandestin, constitué majoritairement de jeunes hommes.
Critique : Comme toutes les polémiques, celle qui accompagne la sortie de Rodéo de Lola Quivoron est stérile. Tout simplement parce que, contrairement à ce qui se dit ici ou là, le film n’est absolument pas une glorification des rodéos urbains qui ont défrayé la chronique cet été.
Premièrement, l’activité réellement montrée renvoie au « cross bitume » originel, un type d’épreuves né aux États-Unis dans les années 1980, se déroulant sur circuit, parking ou route fermée. La grande – et unique- scène consacrée à cette pratique et qui ouvre le film, est, à ce titre, sans ambiguïté : les motards exécutent leurs figures sur une route abandonnée, sur laquelle aucun autre véhicule ne circule.
Deuxièmement, Rodéo est avant tout un formidable portrait de femme qui s’impose dans un milieu exclusivement masculin. C’est véritablement sur ce thème que le film tire son épingle du jeu, nettement mieux en tout cas que Titane, dont la thématique est assez proche.
- © 2022 CG Cinéma. Tous droits réservés.
Pourtant, tout commence de façon assez banale, avec cette scène d’ouverture qui suit l’héroïne (Julie) dans sa cité, en prise avec les hommes de son entourage. Caméra embarquée, éclairage naturel, acteurs non professionnels, légère hystérie : le spectateur est en terrain connu, celui du cinéma naturaliste à la Dardenne ou Kechiche. Puis, tout bascule, d’abord avec la scène du générique lorsque Julie enfourche sa première moto, mais surtout celle citée plus haut, lors de laquelle Lola Quivoron filme avec un plaisir non dissimulé les acrobaties bruyantes des « riders ».
La caméra prend alors de la distance et la mise en scène devient sèche et nerveuse, dans la droite ligne du thriller urbain cher au cinéma d’action américain. La séquence est un peu longue (surtout pour ceux insensibles à cet univers pétaradant et frimeur), mais elle est d’une redoutable efficacité visuelle. Surtout, elle pose les bases du propos : Julie, intrépide et sauvage, est prête à tout pour s’incruster dans ce monde d’hommes et suscitera diverses réactions : étonnement, rejet, attirance, indifférence…
Dès lors, Rodéo va scruter l’intégration de Julie dans le groupe, de ses débuts difficiles jusqu’à son statut de meneuse d’hommes, en passant par les affrontements violents avec ceux qui la rejettent.
- © 2022 CG Cinéma. Tous droits réservés.
À la fois chronique sociale, polar, western, le film joue sur plusieurs tableaux, tout en se permettant de brusques fulgurances oniriques, et sans qu’à aucun moment il ne perde en efficacité.
Cela tient d’abord au talent de metteur en scène de Quivoron. Sa capacité à alterner caméra à l’épaule au plus près des corps et des visages et plans larges pour mieux capter l’action, ne se limite pas aux scènes introductives et irrigue tout le film, lui offrant un équilibre parfait.
Ensuite, et c’est là que Rodéo se distingue de Titane (dont l’histoire est alambiquée et ridicule), le scénario, bien que basique, tient impeccablement la route. Non seulement il joue à fond le jeu de la fiction (histoire d’amour, rivalités, préparation de casse…), mais surtout il se permet de prendre des directions inattendues tout en conservant sa cohérence. C’est notamment le cas lorsque Julie se rapproche d’Ophélie, la femme du caïd incarcéré, à qui elle offre un peu de liberté. Loin du bruit et de la fureur des motos, le portrait de ces deux femmes à la fois si proches et éloignées est particulièrement touchant.
Enfin, la troisième qualité de Rodéo et de sa réalisatrice, c’est cette capacité à construire, sur un temps court, des personnages vrais évoluant dans un environnement authentique. Ceci est valable bien entendu pour l’héroïne (dont l’interprète Julie Ledru crève l’écran) qui réussit quand même le tour de force d’être, dans une même scène, à la fois attachante et insupportable, belle et laide. Et puis il y a les autres, la femme du caïd touchante dans sa solitude avec son gamin, cette bande de mecs, tous crédibles et joués par des jeunes acteurs prometteurs, ou encore le chef lui-même, vu à travers un écran de téléphone portable, mais tellement inquiétant.
On pourra peut-être regretter une fin un peu bâclée ; mais peu importe, en l’état, Rodéo est un film percutant et c’est avec une grande attention que l’on suivra la carrière de sa réalisatrice, Lola Quivoron.
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