Les entretiens aVoir-aLire
Le 10 mars 2005
Rencontre avec un cinéaste sensible qui nous offre une autre vision du cinéma espagnol.
- Réalisateur : Xavier Bermudez
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Une histoire d’amour et de haine, le plus indissoluble des liens qui enserre un frère et une sœur dans un tourbillon qu’ils ne maîtrisent pas, fait d’incohérences, d’ambiguïtés et de pulsions troubles. Leon et Olvido sort sur nos écrans et met en lumière un réalisateur sensible qui nous offre une autre vision du cinéma espagnol. Xavier Bermúdez s’intéresse à l’âme.
Aujourd’hui, le cinéma espagnol commence à avoir un certain succès en France. Pensez-vous que ce qui nous est proposé est représentatif de la production espagnole ?
Je ne crois pas. Cela peut être représentatif d’un certain genre de cinéma qui est celui qui fonctionne le mieux ici, mais la production est très variée, très inégale, et je crois que les films qui sont distribués ici ne représentent qu’eux-mêmes.
Leon est pratiquement indépendant, même s’il est incapable d’avoir deux chaussettes de la même couleur. Il va à l’école, il sait lire, il fait la cuisine, les courses... Ne craignez-vous pas que cela puisse donner une idée de la trisomie un peu éloignée de la réalité quand on sait que finalement, assez peu de ces enfants parviennent à ce niveau d’autonomie et d’éducation ?
Oui, mais Leon cuisine très mal et le moins possible, il se trompe en faisant les courses ou il ne les fait pas, il est en fait assez peu autonome. Il dépend beaucoup de sa sœur, et il lutte pour maintenir cette dépendance. Il y a des trisomiques beaucoup plus indépendants que Leon. Tout dépend aussi de l’éducation qu’ils reçoivent chez eux. Ils ne peuvent faire que ce qu’on leur enseigne. Ils ont leurs limites, mais nous en avons tous.
Leon, par la force des choses, a un avenir moins brillant qu’Olvido. Pourtant, il a plus de rêves. Les rêves sont-ils incompatibles avec la conscience de la réalité ?
Tout dépend de la façon dont va la vie. Il y a des gens qui rêvent beaucoup et qui, avec un peu de chance, vivront ainsi sans jamais rencontrer de grandes déceptions. Au contraire, d’autres, pourvus d’un grand sens pratique, peuvent être laminés par une déconvenue. Je ne sais pas ce qui est le mieux. Généralement, avoir les pieds sur terre permet d’affronter plus sûrement l’adversité, mais rien n’est écrit.
Ce qui anime Olvido, c’est un désir. Le désir de ne pas supporter cette charge, pouvoir avoir une vie différente, mais par ailleurs, elle essaie toujours de se lier sentimentalement. Leon, lui, poursuit une jeune fille, pense qu’il pourrait avoir une petite amie, comme tout le monde, mais d’un autre côté, il fait tout pour ne jamais se séparer de sa sœur, ou le moins possible, parce que c’est un terrain connu, il se sent protégé.
Luis Buñuel est un de vos modèles. Il a cette façon d’isoler ses personnages, comme pour les extraire de la vie et en faire une sorte de matériel d’expérimentation. Vous avez réduit la famille de Leon et Olvido à eux deux, et personne d’autre. Que signifie pour vous cet isolement ?
C’est le moyen de mettre en avant les aspects les plus importants des personnages. Buñuel les enferme, en effet, dans une chambre, dans une île... Moi, j’ai réduit le cadre le plus possible. Cet isolement permet d’extraire de la façon la plus intense toutes les contradictions. Et c’est ce qui m’intéresse le plus. Le conflit entre les désirs et les idées morales.
Pensez-vous que Leon et Olvido traite davantage de la différence (autour du handicap de Leon), ou des relations entre frère et sœur ?
Le thème du film, c’est la passion entre un frère et une sœur, et leur rapport au monde qui les entoure. Leurs sentiments ambivalents, leurs contradictions. Le fait que Leon soit trisomique est secondaire. Cela aurait pu être autre chose. Ce qui est important, ce sont les relations qui les unissent, et le fait que les sentiments qui les animent sont particulièrement intenses. Ils ont des sentiments très forts, et ils souffrent.
Ce sont des jumeaux. Est-ce que c’est important dans leurs relations, ou les choses auraient été à peu près identiques s’ils n’avaient pas été jumeaux ?
J’aimais bien l’idée qu’ils soient jumeaux. Au début, j’avais imaginé Olvido un peu plus âgée. Puis lorsque j’ai pensé à Marta Larralde, pour le rôle, j’ai eu l’idée un peu malicieuse d’en faire des jumeaux.
Pourquoi "Olvido" [1] ?
Au début, elle s’appelait Remedios [2], mais ça m’a paru un peu facile !
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