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Le 19 janvier 2005
Comment l’un des scénaristes favoris de Patrice Leconte a décidé de porter lui-même ses mots à l’écran.
- Réalisateur : Serge Frydman
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Une femme, Vanessa Paradis, une image. Tels sont les éléments qui ont incité Serge Frydman, l’un des scénaristes favoris de Patrice Leconte (Rue des plaisirs, La fille sur le pont, Les grands ducs, etc.), à porter lui-même ses mots à l’écran. Rencontre avec le réalisateur de Mon ange.
Quel a été le point de départ du scénario de Mon ange ?
Tout est parti de la première image du film, celle d’une vedette de cinéma exposée en vitrine où il n’y aurait qu’à pousser la porte pour qu’elle nous soit accessible. J’étais sûr qu’il y avait une histoire derrière cette vitrine. Or, comme j’écris sans plan, les images sont vite venues s’accumuler, un peu à la façon de ces histoires d’enfant de marabout de ficelle. Je souhaitais ainsi que Vanessa soit le seul visage familier à traverser l’histoire. Il m’est venu dès lors l’idée de la faire accompagner d’un visage inconnu, celui d’un visage très jeune, incarné par Vincent Rottiers. C’est ainsi qu’est né ce film autour d’une femme adulte qui retombe en enfance par amour et un enfant qui devient adulte pour la même raison. L’histoire s’est construite d’elle même sans que j’aie pu avoir véritablement au départ d’intentions générales.
Qu’est ce qui vous a incité à quitter feuilles de papier et stylo pour devenir réalisateur ?
C’est la productrice Claudie Ossard qui m’a demandé de faire le film lorsque je lui ai amené l’histoire. Je l’ai interrogée à plusieurs reprises sur ses motivations, y compris après le tournage du dernier plan. Elle m’a répondu qu’elle s’était tout simplement fiée à son instinct. Elle a une force de conviction et une foi absolument incroyable dans les projets et les gens qui vont avec. C’est ainsi grâce à elle que le film existe tel qui est. Elle y a cru d’ailleurs plus que moi.
Il y a un véritable parti-pris esthétique dans ce film, que ce soit au niveau du cadrage ou de la lumière par exemple, qui le fait baigner dans une atmosphère quasi onirique. Toute notion de réalisme a-t-elle été volontairement chassée ?
Jean-Paul Sartre disait de mémoire : "Je hais l’artiste dont la fenêtre donne sur une gare de triage et qui continue de peindre des natures mortes." Mon raisonnement dans le travail est à l’opposé. Je ne suis pas influencé par la vie, et je ne me sers pas de ce que l’on peut voir par la fenêtre. Mais j’admire les gens qui tirent leurs histoires de leur propre vie ou de la vie des autres. Les films de Rossellini à cet égard me bouleversent beaucoup car j’ai ainsi l’impression qu’ils vont puiser directement à la source de la vie.
Mais j’en suis personnellement incapable. C’est peut-être pour cela que ce film a des couleurs qui ne ressemblent pas tout à fait à celles de la vraie vie. C’est également pour cette raison que j’ai imaginé un faux pays. J’ai d’ailleurs veillé à ce qu’il n’y ait aucune signalétique afin qu’aucun repère géographique ne soit identifiable. Cela permettait également de perdre un peu plus les deux personnages dans un univers âpre et dur. Ainsi, il fait froid, il pleut dans les paysages qu’ils traversent, autant d’éléments qui doivent leur donner envie de se tenir plus près l’un de l’autre tout à la fois pour se réchauffer mais aussi pour se rassurer.
Votre film illustre paradoxalement la théorie d’Antonin Artaud qui souhaitait un cinéma éminemment poétique et fantasmagorique et réfutait le cinéma parlant...
Je suis contre aussi les films parlants comme Artaud (rires). Mais c’est vrai, je préfère les scènes muettes car elles sont jouées avec plus d’imagination par les acteurs. La scène que j’ai tendance à préférer dans le film est ainsi celle du taxi où Vanessa Paradis ne parle pas. D’une part, nous n’étions que trois à la fabriquer et pas cent trente ce qui me rapproche plus de mes conditions de travail habituelles mais surtout je vois beaucoup plus de choses dans le visage de Vanessa et dans ses yeux sans qu’elle ait besoin de parler. Elle est totalement suspendue dans le vide.
Vous manifestez une véritable foi dans les acteurs...
Dès que j’ai vu des films, j’ai aimé les acteurs car ils ont une vie beaucoup plus intense à l’écran. Ils nous émeuvent et nous troublent. Or, c’est encore plus impressionnant de voir jouer les acteurs de près. On ressent de leur part une peur permanente, qu’ils soient des grosses vedettes ou des inconnus. Ils marchent au bord du précipice tout en percevant constamment le vertige.
Quels sont aujourd’hui vos projets ?
J’ai désormais envie de renouveler l’aventure et j’ai d’ailleurs un scénario en cours d’écriture. Je ne me vois en effet plus faire comme avant : écrire une histoire, la donner et ne plus m’y intéresser du tout au point très souvent de n’avoir pas vu les films qui en ont été tirés, considérant que mon travail était fini.
Propos recueillis à Paris le 10 janvier 2005
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