Les entretiens aVoir-aLire
Le 17 novembre 2004
Deux voix au service d’un film tout en silences.
- Réalisateurs : Juan Pablo Rebella - Pablo Stoll
Et l’un ne marche pas sans l’autre... Juan Pablo Rebella et Pablo Stoll viennent de réaliser Whisky, mettant leurs deux voix au service d’un film tout en silences. Et l’un parle souvent pour l’autre, tant ils estiment que leur parole et leur démarche est commune. Ils partagent aussi l’étonnement, comme devant un bébé trop vite grandi, en voyant combien leur film est attendu en France, après le succès de 25 watts. Quarante copies ! Ils lèvent les yeux au ciel. En Uruguay, il y en a eu deux !
Il y a beaucoup de frères, réalisateurs de cinéma. Pour votre part, vous n’êtes frères qu’en création. Cela signifie-t-il que créer ne peut être un exercice solitaire ? Comment organisez-vous votre travail ?
Juan Pablo Rebella : Je crois que la création n’est jamais solitaire, et encore moins pour un film, qui est, par définition, un travail collectif. Nous travaillons ensemble par hasard. Nous ne nous le sommes jamais proposé, c’est arrivé c’est tout. Notre travail est collectif dans tous les domaines. Nous faisons tout ensemble. Mais il est vrai que pendant le tournage, nous nous partageons la tâche pour aller plus vite. Je m’occupe de la technique, et Pablo des acteurs.
Les trois acteurs de votre film viennent du théâtre. C’est un hasard ou pensez vous que le théâtre donne une dimension particulière au jeu d’acteur ?
JPR : En réalité, je préférerais des acteurs qui viennent du cinéma. Mais en Uruguay, il n’y en a pas pour la bonne raison qu’il n’y a pas de cinéma. Nous n’avions donc pas d’autre solution.
Pablo Stoll : Le théâtre apporte autre chose, mais pas toujours pour le meilleur. C’est à nous d’extraire ce que l’acteur a de bon.
JPR : Nous avions finalement le choix entre des acteurs de théâtre ou des non-professionnels. Nous avons décidé de prendre des acteurs de théâtre non pas parce qu’ils viennent du théâtre, mais parce qu’ils possèdent une technique, et une discipline que n’ont pas les non professionnels.
Pendant ces quelques jours que raconte le film, on a l’impression que Marta va apprendre quelque chose, approcher ce qui pourrait être le bonheur. Vous semblez mettre moins d’espérances dans le personnage de Jacobo ?
PS : Marta est celle qui prend le plus de risques, qui fait des choses qui pourraient arriver à changer sa routine et sa solitude, tant au début, lorsqu’elle prend tout cela très au sérieux, comme à la fin, lorsqu’elle décide d’aller dans la chambre de Herman. Mais finalement, ça ne lui réussit pas et elle en souffre. Jacobo, en revanche, fait son possible pour ne pas être atteint.
Vous filmez des personnages qui passent à côté de la vie sans parvenir à y entrer. Pensez-vous qu’il vaut mieux ne jamais savoir plutôt que de se rendre compte qu’il existe une autre façon de vivre ?
JPR : Je ne sais pas si c’est mieux de ne pas savoir. C’est pour cela que le film se termine sur un doute. Le plus intéressant, c’est ce qui ne se dit pas, ce qui est en marge du tableau, ce que l’on suppose mais qu’on laisse en suspens pour que le spectateur aille justement voir de ce côté-là.
PS : Ce qui nous intéressait, c’était de laisser la fin comme une sensation plutôt qu’une conclusion.
Dans le film, tout a un prix : les chaussettes comme les sentiments. Pensez-vous que dans le monde d’aujourd’hui tout puisse s’acheter ?
PS : Non, bien sûr. La morale de l’histoire -même si en réalité je ne crois pas qu’il y ait une morale - c’est que lorsqu’on tente d’acheter certaines choses avec de l’argent, au final c’est forcément un échec.
Propos recueillis à Paris, le 9 novembre 2004
Photo © Institut Lumière/A. Guillemaud
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Cinéphile 26 novembre 2004
Rencontre avec Juan Pablo Rebella & Pablo Stoll
Ce film est une merveille. Le regard de ses deux jeunes cinéastes est d’une sensibilité exquise, l’humour est là tout le temps. Bravo !