Le 3 juin 2006
- Scénariste : BATIST
Rencontre avec un jeune dessinateur qui entame sa première série, Les chaussettes trouées.
Batist a vingt-trois ans, s’appelle en réalité Jean-Baptiste Payen, aime les sports d’eau vive... et la BD, et vient de signer son premier album, La guerre du slip aux éditions Emmanuel Proust. Rencontre.
Vous êtes le dessinateur des Chaussettes trouées, qui est votre première BD. c’est votre première publication, comment vous sentez-vous ?
Avant, j’allais beaucoup sur les festivals, pas tellement pour les dédicaces, ce n’est pas le petit dessin qui m’intéressait, mais plutôt l’échange. A présent, je peux parler aux gens que j’essayais d’accoster aux festivals, c’est bizarre...
Quelle est votre technique de travail ?
Je travaille d’abord au crayon, un très rapide crayonné, puis je fais un encrage là encore très rapide. J’envoie mes planches à Emmanuel Proust (éditeur) et à Tarek (scénariste), qui me disent ce qu’il faut changer. Je fais les modifications nécessaires, puis leur renvoie les dessins quand j’ai encore un doute. Je reprends mon dessin sur un papier plus épais et à la table lumineuse, je fais un encrage plus précis. Je place une couche d’encre très légère pour voir si les harmonies conviennent, puis je passe à l’acrylique. Et à la fin, je refais du trait là où il a disparu.
Vous avez mis combien de temps pour réaliser l’album ?
Si on parle en terme d’heures de travail normales, style trente-cinq heures, j’ai mis huit mois. Concrètement, j’ai mis quatre mois, et j’avais des cernes à la fin, pires qu’aujourd’hui.
Parlons de la BD elle-même. Ça fait beaucoup penser à La guerre des boutons. C’est assumé ?
Ce serait très mal avisé de dire "non non, je ne vois pas de quoi vous parlez..." Bien sûr qu’on l’assume. C’est d’ailleurs écrit en quatrième de couverture. Tarek a beaucoup travaillé pour que ce soit dans le même esprit. Pour ma part, j’ai lu le roman plusieurs fois, avant de connaître Tarek.
Vous n’avez pas eu peur, Tarek et vous, que cela fasse double emploi avec l’adaptation du roman de Louis Pergaud, qui est sorti l’an dernier [1] ?
Quand j’ai vu cette adaptation en librairie, j’avais déjà commencé celui-ci. Je me suis posé la question, et j’ai ouvert l’album. Les dessins étaient très différents, et quant à l’histoire, ce n’était pas du tout traité de la même manière. C’est d’ailleurs très bien adapté, c’est même l’un des meilleurs albums de l’année selon moi. Ceux qui nous feraient le reproche de plagier l’album de Mathieu Gabella et Valérie Vernay n’auront pas lu l’un ou l’autre, car ce n’est vraiment pas pareil. Même public, même sujet, mais ton différent.
Comment est né le projet ?
Pour la genèse, il faudrait demander à Tarek, mais de mon côté, c’est ma rencontre avec lui. Il a vu une de mes illustrations dans un journal local à Chambéry. Il est venu me voir, en me demandant si je serais intéressé à faire de la BD dans un style proche de cette illustration. Au final, ça n’y ressemble pas du tout (rires). J’ai adapté, car je n’aurais pas pu faire de l’illustration sur une BD entière, ç’aurait été trop long. On s’est rencontrés "en vrai" à Lyon, puis on a discuté par mail, téléphone, puis j’ai fait deux ou trois croquis. Ça lui a plu, il m’a donc demandé trois planches, ça lui a plu, et il les a envoyées à Emmanuel, qui a accepté le projet.
Pour en revenir à votre illustration pour un journal local qui a tout déclenché, c’était à quelle occasion ?
C’était au festival de Chambéry. Avec des copains, on a monté une association qui s’appelle Azil Studio, qui regroupe des illustrateurs et des auteurs BD. On fait un fanzine, on est présents sur quelques festivals, où on montre nos books aux auteurs et aux éditeurs. A l’occasion du festival de Chambéry, on avait chacun fait une illustration, avec un portrait sur une demie-page du journal. J’ai fait aussi quelques illustrations pour un magazine mensuel d’information régionale à Chambéry.
Vous avez une formation de dessinateur ?
J’ai fait un bac S, classique. Je n’étais pas très assidu aux cours de maths ou de philo, parce que je dessinais beaucoup. Je me suis ensuite inscrit dans une école d’arts graphiques à Paris (Peninghen), j’y ai fait la prépa, mais je n’ai pas supporté Paris. J’aurais pu rester, mais je suis redescendu à Chambéry, où une école venait de se monter. Je n’étais pas sûr que l’enseignement serait bon, mais je me disais qu’en bossant, je devrais y arriver. Finalement l’école est très très bien. J’y ai passé trois années merveilleuses. C’était donc une formation en arts appliqués : dessin animé, illustration, graphisme et bande dessinée. Finalement, je n’ai pas trop de compétences dans le dessin animé. J’ai passé plus de temps en cours de BD qu’en cours de dessin animé.
Quels sont les auteurs qui vous inspirent, que vous admirez ?
Ceux que j’admire, il y en a tellement... Il y en a que j’admire pour leur travail, d’autres pour leur longévité, d’autres encore pour leur personnalité... Pour son travail, j’admire énormément Pedrosa. Je suis fan de Mucha à la base, donc quand je vois Ring Circus, je ne peux pas ne pas être touché... Il y a beaucoup d’autres auteurs que j’aime bien... Au départ, j’achète une BD pour le dessin, si ça me plaît, j’achète le reste. Je citerai Civiello, Claire Wendling, Loisel... Au niveau des scénaristes, Trondheim me fait marrer à chaque fois, même si ce n’est pas toujours très fin. En jeunesse, plusieurs scénaristes sont importants pour moi. Il y a par exemple Eric Omond, qui fait Toto l’ornithorynque et Les gamins, et je citerai aussi David Chauvel, qui bosse d’ailleurs avec Pedrosa. Au niveau des influences graphiques, je revendique celles de Kalonji, Chabouté et Pedrosa. Ils me donnent envie de dessiner quand je vois leurs productions. Leur dessin me touche, il est très libéré... J’aime bien Yoann aussi, au niveau de l’admiration et de l’inspiration, même si ce n’est pas toujours visible.
Avez-vous d’autres projets ?
J’ai d’autres envies, comme faire aussi du scénario, mais ça viendra, peut-être dans dix ans, quand je serai un peu plus intelligent et cultivé (rires). J’ai envie de faire des choses pour adultes, je suis d’ailleurs en train de rechercher, en parallèle, un style plus adulte. Quand je me sentirai prêt, je présenterai tout ça à Emmanuel.
Combien y aura-t-il d’albums des Chaussettes trouées ?
Pour l’heure, deux albums sont prévus. Emmanuel a parlé de quatre, mais il est trop tôt pour en parler. Il faut que je sache rester à ma place, ça ne dépend pas que de moi, ça dépend aussi du succès du premier album.
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