Le 7 février 2019
Un documentaire accablant sur la situation des migrants, à Calais. Le pays des Droits de l’Homme en prend pour son grade.


- Réalisateur : Arthur Levivier
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : Saint-André des Arts
- Durée : 1h26min
- Date de sortie : 13 février 2019
- Plus d'informations : Le site officiel

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Résumé : L’Europe, États de droit et terres d’accueil ? « Regarde ailleurs » dénonce ce qu’il se passe dans de nombreuses villes européennes en prenant l’exemple de Calais. De l’expulsion de la "jungle" en octobre 2016 jusqu’à la situation sur place un an plus tard, Arthur a partagé des moments de vie avec des hommes et des femmes d’origine soudanaise, afghane, éthiopienne, érythréenne et des habitants de Calais. En soulignant le décalage qui existe entre le terrain et les discours officiels, ce film nous montre la stratégie mise en place pour dissuader les exilés de rester. Avec des méthodes de tournage originales et son regard citoyen, le réalisateur a réussi à filmer le harcèlement étatique, les mises en scène médiatiques, mais aussi la force et l’humour des exilés.
Photo : Arthur Levivier
Notre avis : Bienvenue dans la nation des Droits de l’Homme, la France, ce pays où des réfugiés, des migrants qui demandent juste à rejoindre une terre d’accueil pour y vivre dignement et s’insérer dans le tissu économique par leur travail, sont pourchassés, maltraités, spoliés de leurs biens personnels, sans que les grands discours politiques, de droite comme de gauche, ne s’offusquent de ce scandale humanitaire. Deux ans après le démantèlement de ce qu’on a appelé "la jungle de Calais", des milliers d’êtres humains vivent où ils peuvent, dorment dehors alors que l’actuel président de la République avait promis qu’aucun d’entre eux ne serait sans toit. Pire : leurs abris de fortune, installés dans les forêts, sous les ponts, sont systématiquement détruits par les policiers, qui leur enjoignent, sans ménagement, de déguerpir, tandis que des employés municipaux jettent dans les bennes les effets personnels de ces damnés de la Terre.
Photo : Arthur Levivier
Quitter les lieux pour aller où ? Car la majorité de ces hommes ou femmes, issus de pays dont les régimes politiques répressifs rendent la vie insupportable, avaient une situation stable et ne demandent pas mieux que de retourner sur le sol natal, lorsqu’enfin les droits élémentaires de l’être humain y seront respectés. En attendant, ils croyaient sans doute qu’en France, ils allaient trouver un Eldorado accueillant : au lieu de cela, en plein démantèlement de "la lande", leurs tentes brûlent, sous les yeux des forces de l’ordre immobiles, tandis que les pompiers ne s’affairent pas à éteindre l’incendie avec la promptitude qu’on leur connaît. Le lendemain, pourtant, un média comme BFM TV louera la célérité des interventions. Leurs confrères du journal TF1 iront même jusqu’à dire que cette tradition d’incendier des tentes est "culturelle". No comment. Un policier interrogé par le réalisateur ne se privera pas non plus d’en évoquer l’hypothèse.
Photo : Arthur Levivier
A de multiples reprises, médias et hommes politiques sont pris en flagrant délit de mensonges : des extraits de journaux télévisés, politiquement orientés, sont démentis par la réalité des faits. Parfois, certains représentants de gauche ou de droite assument un mélange d’humanité et de fermeté : le binôme ferait sourire s’il n’y avait pas des effets tangibles de ce discours cynique, qui impacte des vies et motive des actes contraires à l’idée qu’on se fait d’un pays fraternel : comment expliquer que la police gaze, au réveil, des hommes qui dorment dans des sacs de couchage ? Comment expliquer qu’un représentant des forces de l’ordre tutoie un homme rationné par une association humanitaire et s’en prenne au droit le plus élémentaire qui consiste à boire et manger ? A toutes ces questions rassemblées en une, un autre monsieur sanglé dans un uniforme répond : "Rien à dire, nous on obéit aux ordres". À la fin, des touristes anglais, invités par Madame la maire, arpentent les rues propres de Calais qui exhibe fièrement ses atours. Pendant ce temps, des étrangers continuent de se réveiller dans des sacs de couchage. En attendant de rallier une terre promise.
Photo : Arthur Levivier
Photo : Philippe Levivier