Le 5 novembre 2017
Désireuse de relancer son intérêt après une saison 4 en demi-teinte, Ray Donovan bouscule le spectateur par une grosse prise de risque qui s’avère payante. Et pour cause, c’est elle qui confère à cette saison tout son intérêt.


- Acteurs : Liev Schreiber, Jon Voight, Eddie Marsan, Paula Malcomson
- Nationalité : Américain
- Date de sortie : 6 août 2017

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Résumé : Un spécialiste des litiges les plus compliqués, controversés et confidentiels des familles les plus aisées de Los Angeles, a bien du mal à régler ses propres problèmes, bien souvent d’ordre familial...
Notre avis : Il fallait un sacré déclic à Ray Donovan pour repartir sur de nouvelles bases, alors que la saison 4 semblait annoncer l’essoufflement d’une excellente série qui aura su offrir de très bons moments de télévision. C’est avec cette prise de conscience que commence ce nouvel axe du show d’Ann Biderman, décidant de faire table de nombreux éléments du passé pour refonder une nouvelle trame dramatique autour d’un événement majeur et inattendu. Autant dire qu’en se lançant dans cette nouvelle saison, on se retrouve aussi paumé qu’un gars de Marshalltown parachuté sur Sunset Boulevard aux heures d’affluence (entre 8 heures et 2 heures du matin). Certes le précédent final nous montrait l’union entre chaque maillon des Donovan, mais replonger dans cet univers par des séquences joyeuses a ce côté un peu surréaliste auquel on ne s’attendait certainement pas. Ce choix, en réalité, résulte de la volonté pour cette saison de mettre en place un décalage entre deux timelines, celle du présent, et celle du passé, et comment et pourquoi la première est ce qu’elle est. Car, oui, il fallait s’en douter, le bonheur et l’apaisement véhiculés par certaines séquences s’effacent bien vite alors que le spectateur reconstitue progressivement les pièces d’une temporalité éclatée. En fait, leur pertinence n’émane que de leur dépendance avec la partie au présent, permettant à la série d’instaurer un contraste très fort entre l’avant d’un événement et son après, événement si majeur qu’il vient absolument vampiriser tout cette nouvelle saison.
- Copyright : Showtime
Cette absorption totale de l’attention des scénaristes se fait cependant à double tranchant. Autrefois capable de créer de passionnantes sous-intrigues (particulièrement celles sur Terry), Ray Donovan donne corps et âme à l’événement principal et ce qui gravite autour et le reste ne reçoit que peu d’attention, malgré un temps de présence loin d’être honteux pour le reste des frères irlandais et leur père. La série donne surtout l’impression de gonfler ses épisodes par du remplissage franchement dispensable sur Bunchy qui passe encore pour un tocard, Mickey qui part dans une histoire totalement improbable avec son fils Daryll plus absent qu’une vision artistique dans un Marvel Disney, et enfin Terry qui n’est intéressant que dans sa relation avec Aby. Malgré un supplément de deux épisodes par rapport aux saisons précédentes, Ray Donovan ne parvient pas à jongler entre le passé, le présent, et tous ses personnages en conservant le même intérêt. On alterne le haut de gamme avec Ray et le bas de gamme avec Bunchy dans un même épisode, créant un gouffre qualitatif aberrant d’autant plus qu’il saute aux yeux. Dépassée par une ambition démesurée sur une saison tout en restant louable, la série pousse néanmoins encore plus loin ce pour quoi on l’aime tant : son ambiance nihiliste et noire.
- Copyright : Showtime
Formatée (une nouvelle fois) par l’événement majeur de cette saison, l’atmosphère mortifère d’un Los Angeles bling bling et déshumanisé trouve ici un point d’orgue par l’âme errante d’un Ray fantomatique qui vadrouille sans énergie pour résoudre les problèmes des uns et des autres. Nul besoin de mots, seul le regard de l’excellent Liev Schreiber suffit pour impacter le nôtre sur cet univers manipulateur infâme, bien que toujours sous-exploité et reléguer plus que jamais à des intrigues secondaires prometteuses mais pas toujours bien abouties. On regrette le manque de présence de Lili Simmons, parfaite dans un rôle vénéneux et ambivalent, quand la grande guest de cette saison, Susan Sarandon, dispose de trop peu d’apparitions pour apporter une réelle plus-value à cette saison. Pour ces douze épisodes, Ray Donovan ne mérite le coup d’œil que pour son personnage central et sa lente descente aux enfers d’une grande qualité dans l’écriture. Tout se joue dans les non-dits et le détachement de Ray avec ses proches, sa famille dont il se met peu à peu chaque membre à dos, de sa fille à son père, aliéné par sa propre rancœur envers tout le monde mais avant tout envers lui-même. Cette saison 5 n’est cependant qu’une amorce d’un renouvellement probablement encore plus important pour la sixième déjà commandée. Ray Donovan conserve quelques unes de ses grosses lacunes, et entend bien de toute évidence continuer à proposer de nouvelles idées afin de bousculer les acquis du spectateur envers une série faite de personnages à l’évolution parfois bancale voire inexistante. Pour Ray, le mouvement a sans aucun doute été enclenché. Pour les autres, rien n’est moins sûr.
- Copyright : Showtime