Un éclat de rire ottoman
Le 8 mars 2006
Mise en film du traditionnel théâtre satirique turc. Pas facile d’accès mais intéressant.
- Réalisateur : Ezel Akay
- Acteurs : Ezop, Haluk Bylgyner, Beyazit Ozturk
- Genre : Comédie dramatique, Historique
- Nationalité : Turc
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– Durée : 2h15mn
– Titre original : Hacivat & Karagöz
Mise en film du traditionnel théâtre satirique turc. Pas facile d’accès mais intéressant.
L’argument : Au XIVe siècle, les Etats et principautés anatoliens, désorganisés et épuisés, émigrent vers Bursa pour fuir les attaques mongoles. Ces peuples de cultures et de croyances différentes vont se retrouver liés dans leur quête de liberté avec pour dessein commun la construction d’une ville cosmopolite et hétéroclite. Karagöz et Hacivat, deux exilés connus pour leur intelligence, leur grivoiserie et leur connaissance en architecture, se voient confier la construction de la mosquée principale. Mais leur humour de plus en plus subversif dérange et sème le trouble...
Notre avis : Né à Bursa au XIVe siècle, le théâtre d’ombres dit "karagöz" (du nom de son personnage principal) s’est répandu, au XVIIe siècle à Istanbul. Fermement enraciné dans la culture ottomane, ce théâtre de satire sociale et politique est dominé par un comique de quiproquos, de métaphores, de néologismes, le tout assaisonné d’une bonne dose de grivoiserie. A l’exception du sultan, dont la personne est sacrée et les actes inattaquables, pas un personnage de l’Empire n’échappe à ses flèches. Toléré par le gouvernement, le karagöz possède une longue galerie de personnages stéréotypés reconnaissables à leurs costumes, leurs accents ainsi que leurs appartenances religieuses, ethniques et provinciales. Les pièces se déroulent dans un lieu imaginaire dans lequel toutes les communautés vivent ensemble.
Par méconnaissance des codes de lecture du théâtre d’ombres et des nuances de langage qui en caractérisent les personnages, Qui a assassiné les ombres ? reste un film difficile d’accès pour le néophyte du genre. En raison de ce manque de références, les comportement des deux héros, leurs répliques ou s’entrechoquent l’espièglerie de l’un et la simplicité de l’autre, perdent malheureusement une bonne part de leur charge humoristique. Même en évacuant ces lacunes culturelles, force est de constater que le jeu excessivement théâtral de Haluk Bilginer nuit au comique paillard de Karagöz, une personnage en quête obsessionnelle d’une femme rappelant l’oncle fellinien d’Amarcord (que jouait Ciccio Ingrassia).
Paradoxalement, ce sont les fortes traces de théâtralité qui confèrent au film tout son intérêt. Les constantes vraies ou fausses apparitions des ombres des deux protagonistes ainsi que l’existence d’un véritable chœur grec soulignent l’immuabilité du récit. Ces mises en abîme permettent de transcender l’aspect référentiel et d’accéder à un contenu plus universel. Pour la première fois, dans une ville où musulmans, infidèles et nomades s’adonnant à la magie blanche cohabitent, deux bouffons s’expriment librement. Considérée comme dangereuse par l’ordre établi, la satire est non seulement tolérée lorsque Hacivat et Karagöz amusent les foules, mais terrorise lorsqu’ils acquièrent leur statut d’ombres et par conséquent d’immunité et d’intemporalité. Une réflexion à laquelle Ezel Akay s’attelle non sans quelques difficultés et longueurs, mais qui mérite néanmoins le détour.
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