Le 3 août 2019
Cette œuvre importante de Yannick Bellon est une expérience inédite de cinéma, certes un peu vieillie, mais où l’on ne boude pas son plaisir de redécouvrir le Paris des années 70, qui semble tout autant atemporel qu’en profonde mutation architecturale.
- Réalisateur : Yannick Bellon
- Acteurs : Roland Dubillard, Hugues Quester, Loleh Bellon, Christine Tsingos, Hélène Dieudonné
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Tamasa Distribution
- Durée : 1h38mn
- Reprise: 28 août 2019
- Date de sortie : 18 octobre 1972
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Résumé : Raphaëlle est une architecte parisienne sans grande illusion sur son métier pris au piège de la frénésie immobilière. Elle vit avec Vincent, un écrivain qui sombre progressivement dans un alcoolisme suicidaire. D’autres couples, plus jeunes ou plus âgés, vivent non loin les uns des autres dans un Paris plein de bruit et de foules anonymes. Un Paris qui tente de rejeter les uns et de séduire les autres...
- Copyright Les Films de l’Equinoxe
Notre avis : Le cinéma de Yannick Bellon, récemment disparue, n’a jamais eu peur de tenter des expériences esthétiques nouvelles, au prix de voir ses œuvres, du moins les premières, peu distribuées et produites par elle-même. Si, de fait, sa carrière de cinéaste a constitué une véritable bataille pour la reconnaissance, elle offre un ensemble de films totalement libérés des carcans de l’industrie cinématographique dont Quelque part quelqu’un est presque emblématique. D’un genre indéfinissable, l’œuvre est tout à la fois une tentative d’autofiction, où la réalisatrice parle de son mari à travers le personnage d’alcoolique interprété par Roland Dubillard, une promenade dans un Paris en pleine reconstruction, et une étude sociologique sur la solitude et le manque de repères de ses habitants. Les foules sont nombreuses dans ce film et la caméra capte parfois un regard, une silhouette, un visage dont on découvre soudain, à pas feutrés, qu’il s’agit d’un des personnages de son récit, joué par un comédien. En réalité, le long métrage crée en permanence la confusion, laissant parfois croire qu’il s’agit bien d’une histoire racontée à la façon des cinéastes de la Nouvelle Vague, et souvent s’égarant dans une promenade mélancolique à travers Paris et ses funestes façades d’immeubles, à la façon d’un documentaire.
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La musique de Georges Delerue accompagne cet essai cinématographique quasiment d’un bout à l’autre. Elle semble même donner le mouvement à la caméra, qui, dans de longs travellings, ouvre la voie à des intérieurs d’appartements ou de bureaux, des avenues, et des immeubles percés de vastes fenêtres. La cinéaste entraîne son spectateur dans tous les coins de la capitale. On reconnaît Saint-Michel et sa fontaine, Pigalle et ses vitrines fleuries, le quartier Notre-Dame et sa cathédrale flamboyante, le canal Saint-Martin et ses ponts qui l’enjambent etc. Curieusement, tous les espaces sont immédiatement identifiables, comme si Paris n’avait pas pris une ride, ce qui fait dire à un personnage de fin qu’elle a l’impression que c’était hier. L’art parfois est surprenant, qui vient de grands créateurs, car la parole conclusive du film fait l’effet d’une prémonition pour les spectateurs contemporains, qui redécouvriront cette réalisation près de quarante-sept ans après.
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L’œuvre serait demeurée au stade de l’expérience, si la réalisatrice n’avait pas peuplé son récit d’innombrables personnages. Ils se croisent dans la rue, à la sortie d’un métro, dans un hôpital, dans un bar. Tous souffrent du même sentiment de solitude ou d’incompréhension. Et pourtant, ils sont très proches les uns des autres, mais demeurent jusqu’à la fin des ombres qui s’ignorent. Il y a naturellement la figure centrale du personnage joué par Roland Dubillard, un courtier frustré qui voudrait écrire, ravagé par l’alcool. Il y a une architecte, éperdument aimante, qui contribue à la reconstruction malheureuse de Paris. Il y a un étudiant qui préfèrerait occuper un poste d’ethnologue dans une contrée lointaine. Il y a un couple âgé qui se fait expulser de son logement. Il y a une femme qui quitte sa province pour trouver un travail. Et il y en a tant d’autres qui sont absorbés par ces foules mélancoliques. Les dialogues sont rares. Aux paroles, la réalisatrice préfère les traversées musicales de Delerue. Elle s’autorise toutes les erreurs grammaticales du cinéma, coupant ses travellings précipitamment, sans nuance, et passant d’un visage anonyme à celui d’un de ses personnages, sans raison apparente. Yannick Bellon révèle, à travers ce grand film, la pionnière avant-gardiste et militante qu’elle a toujours été, préférant la liberté du verbe et de l’image, à la standardisation de la production cinématographique.
Quelque part quelqu'un - FA from Tamasa on Vimeo.
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