Bougies amères
Le 1er novembre 2009
Un « docu-fiction » déroutant, qui propose de nombreuses pistes intéressantes, mais se réfugie malheureusement trop souvent dans une distance artificielle, où manque l’émotion.
- Réalisateurs : Jérôme Denis - Christel Milhavet
- Acteurs : Fabienne Babe, Christel Milhavet, Ryosuke Sato
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : Le Chat qui fume
- Date de sortie : 29 septembre 2009
- Plus d'informations : Le site officiel du film
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– Durée : 1h40mn
Un « docu-fiction » déroutant, qui propose de nombreuses pistes intéressantes, mais se réfugie malheureusement trop souvent dans une distance artificielle, où manque l’émotion.
L’argument : Quarante est un portrait de femme. Christel, à l’aube de ses quarante ans, est filmée par son compagnon. À travers ses récits, ses histoires, son travail de réalisatrice (d’un documentaire sur d’autres femmes, d’une fiction japonaise qu’elle prépare avec Fabienne Babe), il se dessine un parcours, un passé, des désirs, des fantasmes. Alors que le film avance, on pénètre de plus en plus dans l’intimité de cette femme, de son couple qui se fait et se défait au fur et à mesure du tournage. Mélange d’interviews, de témoignages, de scènes prises sur le vif, de rencontres, de fiction... Il est question de sexualité, d’envie de cinéma et de passé qu’on exhume. Souvent cru, parfois drôle, parfois dérangeant, Quarante est un vrai documentaire qui brasse les formes autant que les questions.
Notre avis : Parler, sortir, faire l’amour, surmonter les angoisses et les frustrations, sortir des crises de couple, des galères professionnelles et personnelles : la vie est-elle la même, lorsque l’on est une femme sur le fil vertigineux de la quarantaine ? C’est ce sentier obscur et miné par les non-dits et les sentiments les plus contradictoires qu’explore ce « documentaire » entre journal de bord et ode à la muse. Document plus que documentaire, car le passage de la sincérité à la fiction et à la mise en scène de soi est franchi constamment, sans dire son nom, comme pour désarçonner le spectateur en le faisant participer à un jeu dont il doit deviner les règles. Avec la caméra - dont on voit parfois le reflet au détour d’un plan dans une vitre ou un miroir - et Christel, l’on s’installe peu à peu dans une relation triangulaire de fausse confidence, où l’ironie et le jeu fonctionnent comme les masques des désirs réels : ce n’est pas ce couple que Christel aurait souhaité ; ce n’est pas ce film qu’elle voudrait faire ; ce n’est même pas au spectateur qu’il est vraiment destiné. Consciemment, on savoure l’exercice de style culotté qui consiste pour cette hyperhéroïne à jouer de ses outrances, de ses cartes de séduction à la limite du cliché - comme dans la scène où, à grands renforts de tenues et de répliques allumeuses, elle tente d’aguicher le rôle principal de son film -, voire de ses « perversions ». Un théâtre de la cruauté où le maître d’œuvre ne rechignerait pas à crier son nom et sa fonction ?
Mais l’ode de Jérôme à sa compagne connaît aussi malheureusement des ratés qui eux, ne sont pas dus à cette poétique de l’imprévisibilité et de la réaction directe face à la caméra. Les limites du jeu avec les codes et l’image traditionnelle du documentaire résident précisément en ce qu’à trop se gausser de l’authenticité, on perd un potentiel d’émotion pourtant fortement sous-tendu par la forme et le thème du film. Difficile parfois de déterminer jusqu’où la mise en scène de l’égocentrisme n’est pas elle-même une espèce génétiquement améliorée du narcissisme ; mais dans le même temps, puisqu’on n’arrive pas à adhérer crédulement au « moi » qui se met en scène, l’effet retombe, et ne reste plus qu’un détachement neutre vis-à-vis de ce qui nous est montré. Au bout d’un moment, l’essai peine à trouver son unité filmique, mêlant des expérimentations intéressantes (dans l’obscurité d’un couloir ou la moiteur un peu glauque d’un boudoir) et des images d’une banalité télévisuelle (le dispositif classique du « témoignage » façon envoyé spécial). Le choix de la caméra vidéo en toutes circonstances, et les effets secondaires d’éclairage qui vont avec, contribue malheureusement à souligner les autres faiblesses des scènes les moins réussies. Quarante ans et un désir inentamé de cinéma ; c’est la belle promesse que l’on retient de ce film « Moi Je », dont on peut simplement regretter qu’elle ne soit qu’à demi-réalisée.
Le DVD
Une version qui doit ses faiblesses à la qualité technique du film en lui-même, tourné en vidéo et, précise le générique, « sans soutien financier ».
Les suppléments
Étant donné que Quarante constitue déjà en lui-même un immense dialogue, on retiendra davantage le singulier premier court-métrage de Christel Milhavet, adapté du fameux Banquetde Platon, et qui met notamment en scène l’acteur fétiche de Claire Denis, Alex Descas, plutôt que l’interview des réalisateurs, la scène coupée et les bandes-annonces, « complémentaires » mais pas indispensables au film.
Image
La qualité vidéo laisse parfois à désirer, notamment dans tous les effets de luminosité et de mouvement ; les contrastes restent parfois excessivement obscurs et le « tremblé » de certaines scènes peut rendre la vision difficile.
Son
Le grand point faible de ce DVD ; malgré un mixage très correct des musiques additionnelles, le son d’origine prend parfois la forme d’un mélange assez confus de voix où c’est un vrai travail pour le spectateur que de distinguer premier et arrière-plan sonore.
Galerie Photos
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